Les travailleurs domestiques dans le secteur des titres-services continuent la lutte pour leurs conditionsde travail. Tommy Jonckheere, responsable sectoriel à la CGSLB, alerte sur la détérioration de la situation.
Le secteur des titres-services a connu une année mouvementée entre septembre 2021 et juin 2022, durant laquelle des négociations et des actions sectorielles ont été menées. Comment se porte le secteur un an plus tard ? Réponse avec Tommy Jonckheere, responsable sectoriel au Syndicat libéral.
Tommy Jonckheere : J'aimerais pouvoir dire que la situation s'est améliorée depuis lors pour les travailleurs domestiques, et qu'après les négociations, nous nous sommes engagés sur la bonne voie pour améliorer leurs conditions de travail. Malheureusement, nous devons conclure que la situation s’est non seulement détériorée, mais qu'elle a atteint des proportions tout à fait dramatiques.
Comment cela se fait-il ?
Fin 2022, l'inspection sociale a publié un rapport montrant que 159 des 175 entreprises contrôlées ne respectaient pas les règles de la loi sur le bien-être et avaient reçu au moins
un avertissement écrit. Cela représente environ 90 %, ce qui est tout simplement hallucinant ! Cela va de l'absence d'évaluation des risques à l’omission des entretiens d’accueil et même à la fourniture gratuite d'équipements de protection spécifiques tels que des chaussures antidérapantes et des gants.
Il s'agit là, disons-le franchement, de choses élémentaires dont on serait en droit d'attendre le respect. D'autant plus qu'il s'agit d'un secteur où les travailleurs sont pratiquement toujours sur le terrain, où la surveillance est difficile. On pourrait s'attendre à ce qu'un certain minimum soit respecté pour les protéger, mais le rapport montre que 90 % des employeurs ne se soucient pas d'un ou de plusieurs de ces éléments.
Quelles ont été les répercussions de ce rapport ? Des mesures ont-elles été prises au sein du secteur ?
Lorsque le rapport nous a été présenté, nous avons immédiatement voulu envoyer une réponse collective et commencer à travailler concrètement sur les questions que nous pourrions aborder au sein du secteur. Cependant, nous avons été surpris de constater que les différentes organisations patronales refusaient de condamner les infractions identifiées, et encore moins d'envoyer un message uni.
Après plusieurs tentatives de concertation, nous avons dû constater que les employeurs ne considéraient pas les infractions comme suffisamment graves et qu'ils n'avaient pas
confiance dans la manière dont les contrôles étaient effectués. Dès lors, toute concertation sociale a été immédiatement interrompue.
N'est-ce pas radical ?
Oui, c'est assez radical. Mais comment travailler à une solution avec quelqu'un qui ne reconnaît même pas le problème ? D'ailleurs, à partir du moment où les organisations d'employeurs montrent leur volonté de reconnaître le problème d'une part et de travailler à une solution d'autre part, les portes sont grandes ouvertes. En attendant, c'est à nous de continuer à soulever la question par tous les moyens possibles.
Qu’est-ce que cela implique pour les négociations sectorielles biennales ?
En fait, notre situation n'est pas très différente de celle de la dernière fois. Bien sûr, nous n'avons pas encore entamé les négociations cette fois-ci, mais les choses que nous demandons actuellement dans le cadre du rapport de l'inspection sociale sont pratiquement toutes des choses que nous avions déjà présentées dans notre précédent cahier de revendications et qui avaient été rejetées par les employeurs. En ce sens, on peut dire que ce qui se passe actuellement est une extension de ces précédentes négociations sectorielles. Je pense qu'une fois que nous aurons entamé les négociations pour la période 2023-2024, de nombreuses questions de protection sociale figurant dans le cahier de revendications 2021-2022 reviendront sur le tapis, mais cette foisci, nous les mettrons encore plus en exergue. Les points douloureux ne peuvent plus être niés cette fois-ci, quelque chose doit changer. Si cela doit encore durer une année, comme ce fut le cas la dernière fois, qu’il en soit ainsi. Le secteur a reçu son rapport et a échoué dans tous les domaines.
Une dernière chose à ajouter ?
Au moment où nous publions cette interview (le 20 juin, ndlr), la Journée des aide-ménagères vient de s'achever. Nous essayons de profiter de cette journée pour sensibiliser les
clients à l'importance de remercier eux-mêmes leur aide-ménagère. Ce n'est pas que les gens n'apprécient pas leur aide-ménagère, mais nous supposons parfois trop que l'autre personne sait que nous l'apprécions. Un simple remerciement fait parfois beaucoup, surtout pour quelqu'un qui nous rend la vie beaucoup plus facile en gardant notre espace de vie vivable. Voici donc un rappel pour ceux qui ont malencontreusement oublié de le faire. D'ailleurs, il ne faut pas le faire que pendant cette journée ; chaque jour est le bon lorsqu'il s'agit de faire des compliments.