Proposition de socle européen des droits sociaux : tout reste à faire
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Ce 26 avril, la Commission européenne a présenté son projet de socle européen des droits sociaux. Publié après une année de consultation publique et des partenaires sociaux, ces propositions reprennent un total de 18 documents qui peuvent être regroupés en 7 éléments majeurs :
- La proposition d’un socle européen des droits sociaux
- L’instauration d’un tableau de bord social inclus dans le processus du Semestre européen
- Une proposition de révision de la directive sur l’équilibre entre vie privée et professionnelle avec la mise en place d’un congé européen de paternité et pour les soins aux proches
- Une proposition d’initiative législative sur l’accès universel à la protection sociale
- Une proposition d’initiative législative sur la révision de la directive « déclaration écrite »
- Une communication d’interprétation de la directive temps de travail
- Un document de réflexion sur la dimension sociale de l’Union européenne
Propositions
Proposition de socle européen des droits sociaux
Il s’agit d’un ensemble de 20 principes reprenant une série de droits sociaux, qui devront ensuite être traduit au niveau et par les acteurs appropriés. Ceux-ci ont pour but de rendre à l’Union européenne son « Triple A » social, comme l’a déclaré à de nombreuses reprises la Commission.
Ces 20 principes ont été inscrits dans une recommandation de la Commission, qui doit ensuite être adoptée via une Proclamation commune du Conseil, du Parlement et de la Commission. Cette méthode avait été utilisée pour l’adoption de la charte des droits fondamentaux de l’UE en 2000. Elle demande à chaque état membre de rejoindre le socle des droits sociaux et permet ainsi un compromis entre :
- Un socle pour la seule zone euro, qui aurait de facto exclu 8 états membres et aurait un problème de base légale, étant donné que les propositions législatives en matière sociale doivent s’appliquer à l’ensemble des EM et pas à la seule zone euro
- Un socle pour les 27 états membres qui aurait pu être rejeté par le refus d’un ou deux d’entre eux.
Le socle est composé de 20 principes divisés en 3 chapitres : égalité des chances et accès au marché du travail, conditions de travail équitables et protection et inclusion sociales.
Un deuxième document de 78 pages explique dans le détail la base légale et le niveau de pouvoir selon lesquels ils pourront être mis en œuvre. C’est en analysant plus en détail ce document que l’on pourra déterminer si ce socle permet vraiment de renforcer la dimension sociale du projet européen, ou si ce socle n’est au final rien ou pas grand-chose de plus qu’un simple exercice de communication.
Une première proposition de 20 principes avait été publiée en mars 2016 et servait de base à la consultation publique et des partenaires sociaux. Il y a eu quelques améliorations par rapport à la proposition initiale :
- Un phrasé plus axé sur la sécurité pour le travailleur par rapport au phrasé initial axé sur la « flexicurité »
- Le renforcement du principe concernant la protection contre les licenciements
- La mention du fait que les salaires doivent évoluer en fonction du coût de la vie et être fixés dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux
- Un principe sur la prévention des contrats précaires et l’interdiction des abus liés aux contrats atypiques
… mais aussi quelques régressions :
- « La flexibilité nécessaire aux employeurs pour s’adapter rapidement aux changements du contexte économique doit être garantie ». Cette phrase laisse la place à la conclusion d’accords de compétitivité offensifs dérogeant à la hiérarchie des normes.
- « L’esprit d’entreprise et le travail indépendant sont soutenus ». Manque de garde-fous contre les faux-indépendants ou le travail indépendant précaire de l’économie de plateforme. Cette phrase peut être interprétée comme soutenant les emplois de style Uber-Deliveroo comme solution au chômage.
Instauration d’un tableau de bord social inclus dans le processus du Semestre européen
Le socle des droits sociaux sera également accompagné d’un tableau de bord qui évaluera les performances et les progrès des Etats membres dans 12 domaines. Un mécanisme similaire est déjà en place pour évaluer les politiques économiques et budgétaires des EM dans le cadre du Semestre européen. Sur base de cette évaluation, la Commission devrait formuler des recommandations aux EM dans ces domaines. C’est déjà partiellement le cas dans la mesure où les recommandations par pays actuelles contiennent déjà quelques éléments relatifs à la politique sociale et de l’emploi dans le cadre des objectifs de la stratégie Europe 2020.
L’aspect social devrait donc être plus présent dans le Semestre européen, mais c’est insuffisant dans le sens où celui-ci n’est pas contraignant et que même le non-respect des objectifs budgétaires n’a jamais conduit à des sanctions.
Ces 12 domaines d’évaluation sont les suivants :
- Éducation, compétences et apprentissage tout au long de la vie
- Égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail
- Inégalités et mobilité ascensionnelle Inégalités de revenus
- Conditions de vie et pauvreté
- Jeunesse
- Structure de la population active
- Dynamique du marché du travail
- Revenus, y compris ceux liés à l’emploi
- Incidence des politiques publiques sur la réduction de la pauvreté
- Accueil des jeunes enfants dans des structures d’accueil
- Soins de santé
- Accès numérique
Une proposition de révision de la directive sur l’équilibre entre vie privée et professionnelle avec la mise en place d’un congé de paternité et pour les soins aux proches européen
Il s’agit de la seule véritable proposition législative présentée ce 26 avril. En résumé, voici ce qu’elle contient dans différents domaines.
Congé maternité : paquet de mesures non législatives pour favoriser l’application de la législation actuelle en matière de protection contre le licenciement, conscientiser à propos du licenciement de femmes enceintes et faciliter la transition entre congé maternité et emploi.
Congé paternité : proposition législative d’introduire un droit individuel à 10 jours de congés payés au moins au même niveau que l’assurance maladie.
Congé parental : proposition législative de réviser les droits pour garantir le droit à la flexibilité pour les parents (temps-partiel, congés fragmentés), le droit à 4 mois de congés payés non transférables entre parents et le paiement de 4 mois au minimum au niveau de l’assurance maladie.
Congé pour les soins aux proches : proposition législative d’introduire le droit individuel à 5 jours par an payés au minimum au niveau de l’assurance maladie.
Organisation flexible du travail : proposition législative d’introduire le droit pour les parents d’enfants de moins de 12 ans de demander la flexibilité des horaires, des heures de travail et du lieu du travail pour une durée de travail déterminée.
Il n’y a malheureusement pas eu de proposition d’augmentation du congé maternité suite au retrait de la proposition législative en 2015, mais une grande partie des demandes syndicales ont été entendues.
Une proposition d’initiative législative sur l’accès universel à la protection sociale
Il s’agit également d’une proposition d’initiative législative, mais à son premier stade. Contrairement au congé parental, cette initiative n’a pas encore fait l’objet de consultation des partenaires sociaux et il n’y a pas encore de précision sur le texte et le type d’instrument qui sera proposé.
Cette publication lance toutefois la première phase de consultation des partenaires sociaux (art 154 TFUE).
L’objectif de la proposition est de relever les défis liés à l’accès à la protection sociale pour toutes les formes d’emploi, et en particulier les personnes qui ne sont pas liées par un contrat de travail classique.
Cela concerne donc toutes les formes de travail autre que le contrat à temps plein et à durée indéterminée, le travail indépendant et les nouvelles formes de travail (référence au rapport d’Eurofound sur les 9 nouvelles formes de travail).
Une proposition d’initiative législative sur la révision de la directive « déclaration écrite »
Il s’agit du même processus que pour la proposition sur l’accès à la sécurité sociale, avec le lancement d’une consultation des partenaires sociaux sur base de l’article 154 du TFUE.
Encore une fois, les travailleurs atypiques et les nouvelles formes de travail sont dans le collimateur de la Commission qui veut s’assurer que ces travailleurs bénéficient d’une clarté sur leur relation contractuelle (heures de travail, congés payés, durée de la période d’essai, conditions d’un éventuel détachement,…) et le type de protection auquel ils ont droit.
La Commission a créé une petite surprise en proposant que cette nouvelle directive définisse un ensemble de normes minimales applicables à tous les travailleurs européens.
Une communication d’interprétation de la directive temps de travail
Cette communication a pour but est de réunir les 61 arrêts de la CJUE concernant cette directive et leur interprétation. La Commission entend également donner sa propre interprétation des points sur lesquels la Cour ne s’est pas prononcée.
Il s’agit malheureusement d’un document définitif. Les partenaires sociaux n’ont été auditionnés à ce sujet qu’à une seule reprise, le 19 janvier dernier. Ils n’avaient été prévenus qu’une semaine à l’avance. La CES a demandé à ce que le projet de communication soit envoyé aux partenaires sociaux avant sa publication, ce qui n’a pas été fait.
Un document de réflexion sur la dimension sociale de l’Union européenne
Ce document est plus éloigné du socle des droits sociaux et s’inscrit dans le cadre du Livre blanc sur l’avenir de l’Union européenne, publié en mars 2017. Il s’agit d’un des 5 documents de réflexion qui accompagneront la réflexion sur l’avenir du projet européen, avec ceux sur la maîtrise de la mondialisation, l’Union économique et monétaire, l’avenir de la défense européenne et l’avenir des finances de l’UE. Tous ces documents seront publiés d’ici fin juin 2017.
Il s’agit d’un document de réflexion sur la vision de la dimension sociale de l’Europe d’ici 2025.
Liens vers les documents
Documents liés au socle des droits sociaux en lui-même.
- The Communication on an EPSR – providing the context and rationale for the Pillar of Rights; 10 pages (https://ec.europa.eu/commission/publications/commission-communication-european-pillar-social-rights_en)
- Commission Recommendation on establishing the EPSR – outlines the 20 principles of the consultation documents, many of which have been strengthened as rights; 9 pages (https://ec.europa.eu/commission/publications/commission-communication-european-pillar-social-rights_en)
- Draft Joint Proclamation to be – same text as item 2, but to be adopted by the Commission, Parliament and Member States by the end of the year. This will then replace item 2; (https://ec.europa.eu/commission/publications/draft-joint-proclamation-european-parliament-council-and-commission_en)
- Staff Working Document, explanatory fiches on each principle – some legal context building; 78 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17606&langId=en)
- Summary Report on the Consultation; 53 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17608&langId=en)
Documents liés au tableau de bord social :
- Staff Working Document on Scoreboard Methodology; 6 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17607&langId=en)
Documents liés aux propositions en matière d’équilibre entre vie privée et professionnelle
- Communication on work/life balance initiative; 16 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17604&langId=en)
- Proposal for a Directive; 29 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17605&langId=en)
- Annex to proposal to show changes; 3 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17620&langId=en)
- Accompanying statement by the Commission; 2 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17644&langId=en)
- Work/life balance fact sheet; 2 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17583&langId=en)
Documents liés à l’accès universel à la protection sociale
- First phase consultation for Social Partners; 21 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17616&langId=en)
Documents liés à la directive “déclaration écrite”
- First phase consultation with Social Partners; 16 pages ) http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17614&langId=en)
- Staff Working Document -REFIT Evaluation; 48 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17615&langId=en)
Documents liés à la directive temps de travail
- Interpretative Communication on the Working Time Directive; 78 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17617&langId=en)
- Staff Working Document accompanying; 48 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17623&langId=en)
- Implementation Report; 14 pages (http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=17622&langId=en)