Le ministre Dermagne a donné pour thème à la Conférence pour l’Emploi les fins de carrière harmonieuses. La CGSLB a souligné que le débat doit porter sur l’ensemble de la carrière professionnelle si l’on veut que celle-ci se termine dans les meilleures conditions.
Le ministre fédéral de l’Emploi avait invité les représentants des employeurs et des travailleurs, les ministres régionaux de l’Emploi et plusieurs acteurs concernés à réfléchir sur les fins de carrière harmonieuses lors de la conférence sur l’emploi qui s’est tenue les 7 et 8 septembre. Maintenir les travailleurs jusqu’à l’âge légal de la pension devrait permettre au gouvernement d’amener la Belgique à un taux d’emploi de 80 % en2030. « En tout état de cause, l’augmentation du taux d’emploi ne pourra se faire uniquement en rallongeant les carrières » a prévenu Mario Coppens, Président de la CGSLB. « Cet objectif ambitieux que s’est fixé le gouvernement devra plus être vu comme une orientation que comme un résultat à atteindre à tout prix ».
Pour la CGSLB, la réflexion sur les fins de carrière harmonieuses ne peut être menée sans réactiver un débat plus large sur le caractère durable de l’ensemble de la carrière professionnelle. Les travailleurs qui sont épuisés au quotidien par leur travail, par la difficile combinaison entre leur vie privée et leur vie professionnelle ne connaîtront pas une fin de carrière harmonieuse, voire seront amenés à quitter le marché du travail prématurément.
Quatre piliers
Sans évacuer tous les autres aspects du problème qui sont abordés dans le document établi par notre service d’étude, la CGSLB s’est limitée dans la note préliminaire remise au ministre Dermagne à quatre piliers essentiels à prendre en compte dans une conférence sur l'emploi consacrée aux fins de carrière harmonieuses : la formation tout au long de la carrière, la qualité de l’emploi, la durabilité de la carrière et la rémunération correcte du travail.
Apprendre tout au long de la vie
L’accélération des changements sociétaux rend la formation de plus en plus importante pour garantir les possibilités de participation au marché du travail. Les difficultés rencontrées par les travailleurs âgés pour s'adapter à la numérisation montrent à quel point une politique de formation constitue une condition indispensable pour garantir des fins de carrière harmonieuses.
La CGSLB demande la création d’un droit individuel et exigible à au moins 5 jours de formation par an par travailleur. La durée du crédit-temps avec motif « formation » devrait être augmentée pour être portée à 48 mois. De cette manière, les travailleurs disposent de plus de possibilités de se réorienter au cours de leur carrière en faisant mieux correspondre la durée de ce crédit-temps avec la structure d’étude bachelor-master de l’enseignement supérieur. Nous demandons que chaque entreprise élabore un plan de formation annuel.
Emplois de qualité
La création d'emplois de qualité favorise la mobilité professionnelle des travailleurs, et des travailleurs âgés en particulier qui seraient dès lors plus enclins à relever de nouveaux défis professionnels. Nous demandons notamment la définition d’indicateurs sociaux relatifs au travail précaire, temps partiels involontaires, contrats temporaires et travail intérimaire. Concrètement, une limite supérieure et une limite inférieure de ce type de travail sont à déterminer pour calculer pour chaque entreprise un ratio à ne pas dépasser. Enfin, la CGSLB réclame que des mesures urgentes soient prises pour améliorer le statut des travailleurs des plateformes et plus précisément, l'introduction d’une présomption d'existence d'un contrat de travail et d’un lien de subordination.
Carrières durables
Les attentes d’un travailleur au sujet de sa carrière peuvent fortement diverger selon sa position sur le marché du travail (jeune diplômé, travailleur expérimenté, travailleur en fin de carrière…), son âge et ses choix familiaux (volontaires ou non : enfants, parents dont il faut s’occuper…). En partant d’une analyse qui met en avant les problèmes en matière d’efforts de formation pour les travailleurs, de flexibilité sous diverses formes et le nombre croissant de burn-out et de risques psychosociaux, le Syndicat libéral estime qu’il est nécessaire d’avoir une vision générale de la manière dont les fonctions vont évoluer dans une politique de carrière durable. Afin d’augmenter l'employabilité de tous les travailleurs, la CGSLB estime que le régime particulier de reclassement professionnel pour les travailleurs de 45 ans et plus (CCT 82) doit être étendu aux salariés de moins de 45 ans.
Fin de carrière sur mesure
La CGSLB est convaincue que la clé du succès pour amener les salariés à rester plus longtemps au travail se trouve dans une politique visant des carrières sur mesure. Dans cette optique, nous formulons un certain nombre de demandes par rapport au régime de crédit-temps fin de carrière
- revenir au crédit-temps fin de carrière 4/5 à partir de 55 ans avec allocations et prévoir des exceptions permettant d’y accéder à partir de 50 ans ;
- ouvrir l’accès pour les travailleurs occupés dans les entreprises de moins de 11 travailleurs;
- introduire l’obligation de remplacement des travailleurs en emplois de fin de carrière.
La CGSLB demande le maintien de tous les systèmes existants en matière de RCC, tant en ce qui concerne les âges d’accès que les conditions de carrières applicables. Enfin, la question de la prise en compte de la pénibilité des métiers doit aussi faire partie de la discussion de manière transversale, que ce soit pour l’accès aux régimes de décélération de carrière, aux RCC ou à la pension.
Organisation du travail
Une organisation du travail tournée vers l'avenir assure une mixité saine et concertée entre les différentes formes de flexibilité, tant celle du travailleur que celle de l’employeur. Les partenaires sociaux doivent pouvoir négocier la mise en place de plans d’autonomie au niveau de l’entreprise dans le cadre desquels sont abordées les questions suivantes :
- le télétravail structurel et occasionnel, les horaires flottants, la situation des travailleurs qui, pour des raisons fonctionnelles/organisationnelles, ne peuvent pas avoir accès au télétravail (= cadre pour les mesures d'organisation du travail orientées vers l’avenir).
- l’adaptation du délai légal de publication des horaires variables : au moins 14 jours calendrier à l’avance, pouvant être ramenés à 7 jours calendrier par le biais d’une CCT, en vue de permettre à ces travailleurs de mieux organiser leur vie ;
- un véritable droit à la déconnexion en dehors du temps de travail.
Les âgés trop chers ?
Les employeurs invoquent souvent le coût salarial pour se débarrasser des travailleurs âgés ou ne pas les engager. Ces arguments ne résistent pas à une analyse chiffrée. Dans notre pays, la composante salariale des barèmes liés à l’ancienneté est inférieure à la moyenne de l’UE et de l’OCDE. Une étude d’Eurofound en 2019 a démontré que la tension salariale en Belgique après 30 ans d’ancienneté, se chiffrait à 151, contre 194 pour la moyenne européenne. La tension salariale est bien plus élevée dans les pays voisins : Allemagne (199), France (165) et Pays-Bas (187). De nombreux travailleurs âgés estiment que leur salaire n’est pas assez élevé pour les motiver à rester plus longtemps au travail. Il n’y a pas de perspective de véritables augmentations salariales en récompense des efforts fournis. C’est la conséquence d’une part de la loi de 1996 et d’autre part d’une trop forte pression fiscale sur le travail. C’est pourquoi la CGSLB demande une révision de la loi de 1996 rendant la liberté de négociation des salaires aux partenaires sociaux et une réforme fiscale profonde qui réduit la pression sur les revenus du travail pour la reporter sur les autres formes de revenus.