Ce sont les vacances d’été, une période pendant laquelle de nombreux étudiants vont pouvoir exercer, le temps de quelques semaines, un job pour se faire un peu d’argent de poche dont ils vont pouvoir profiter toute l’année. Mais le job d’étudiant se limite-t-il encore à cela ? N’est-il pas devenu également un moyen structurel pour les entreprises d’obtenir de la main d’œuvre bon marché et flexible à souhait ? Penchons-nous sur le sujet.
Plusieurs études publiées durant les mois derniers (Jeunes FGTB, FEF, Randstad, etc. ) démontrent l’explosion de l’usage des jobs étudiants par les entreprises et ce, pendant toute l’année. Ainsi, selon les chiffres des jeunes FGTB, le nombre de postes de travail occupés par des jobistes a évolué de 1017% au premier trimestre entre 2006 et 2022. Depuis 2019, le nombre d'étudiants travaillant toute l'année a dépassé celui des jeunes travaillant uniquement l’été, indique l’étude. De précédentes publications de Randstad et de la FEF alertaient déjà sur le fait que de plus en plus d’étudiants prenaient un job pour faire face au coût des études, avec un effet néfaste sur leur réussite.
On le voit, pour de nombreux jeunes, le job étudiant consiste de moins en moins à remplacer d’autres travailleurs pendant l’été (qui profitent de leurs congés d’été bien mérités) pour se faire un peu d’argent, mais est devenu indispensable à une proportion de plus en plus élevée d’étudiants afin de payer leur kot, leur nourriture, leurs factures, leurs études, etc.
Cette tendance à l’utilisation de plus en plus intensive des jobs étudiants peut poser problème à plusieurs égards :
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Pour les étudiants eux-mêmes
Les jobs étudiants ne sont pas bien payés, beaucoup se situent sous le niveau du salaire minimum (si âgés de moins de 21 ans). Si c’est un job à l’année, il peut empiéter sur les études, compromettre la présence aux cours et in fine la réussite de l’étudiant. De plus, le job étudiant n’ouvre pas de droit au chômage, à la pension, ou à d’autres indemnités. -
Pour la sécurité sociale
Le statut de job étudiant permet une cotisation sociale réduite pour l’employeur et l’étudiant (seulement 5,42% à charge de l’employeur et 2,71% à charge de l’étudiant). Il y a certes une limite à ne pas dépasser pour en bénéficier, mais celle-ci n’a fait qu’augmenter au fil des années. Avant 2005, le travail des étudiants était strictement limité aux vacances d’été pour une période de 23 jours maximum. Aujourd’hui ce plafond a explosé à 600 heures (!) par an tout au long de l’année.
D’après l’étude, si les postes occupés par les étudiants durant l’année 2022 l’avaient été par des salariés, la sécurité sociale aurait gagné 413 millions d’euros en plus. -
Pour les autres travailleurs
Le job étudiant sert de base au modèle économique de plus en plus d’entreprises, en particulier les franchises. Il nuit ainsi aux contrats de type CDI à temps plein.
Travailler en tant qu’étudiant n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais un étudiant est avant tout censé pouvoir se concentrer sur ses études, par sur un job. Or, les chiffres actuels nous montrent que le job étudiant est en train de prendre des proportions importantes qui ne répondent plus uniquement au besoin des jeunes de se faire un peu d’argent de poche, mais bien à celui des entreprises de profiter de main d’œuvre plus flexible, moins chère et moins taxée.
Tout cela a été rendu possible par les décisions des gouvernements successifs au cours des 20 dernières années qui n’ont eu de cesse d’assouplir le cadre légal, avec un plafond pour le travail étudiant sous cotisation sociales réduites qui a bondi de 23 jours avant 2005 à 600 heures depuis 2023.
L’augmentation substantielle des contrats étudiants s’inscrit dans un contexte plus large d’une augmentation généralisée des contrats atypiques, flexibles et moins protecteur. Le flexi-job, autre forme de travail précaire, poursuit par exemple la même voie en étant élargi à toujours plus de secteurs.
Face à cette tendance, la CGSLB rappelle l’importance de se battre pour des contrats stables et protecteurs pour l’ensemble des travailleurs. En tant que syndicat, nous souhaitons que les secteurs puissent encadrer les contrats dits « atypiques », c’est-à-dire qui ne sont pas à durée indéterminée et à temps plein. Les entreprises doivent être incitées à soutenir un emploi de qualité.
Ainsi, l’une des mesures de notre Mémorandum 2024 est l’introduction de ratios sociaux relatifs au travail précaire. Le Syndicat libéral soutient que les partenaires sociaux sectoriels doivent définir une limite de travail précaire en visant quatre types d’emplois : les temps partiels involontaires, les contrats temporaires, le travail intérimaire et les flexi-jobs. Le niveau sectoriel est en effet le plus approprié pour déterminer les réels besoins en matière de flexibilité. En 2022, les partenaires sociaux ont fait un premier pas dans ce sens : un accord a été trouvé entre eux pour instaurer une cotisation supplémentaire aux entreprises qui font un usage excessif de contrats journaliers successifs dans le secteur de l’intérim.
Retrouvez toutes nos propositions politiques prioritaires pour le prochain gouvernement fédéral sur https://www.cgslb.be/fr/actualite/memorandum-2024
Vous vous posez des questions sur les jobs étudiants ? Vous êtes fraîchement diplômé et vous avez besoin d’aide pour vous y retrouver sur le marché du travail ? Prenez contact avec nous via jeunes@cgslb.be ou jeunes-bruxelles@cgslb.be.