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Télétravail : quelles indemnités ?

22/09/2022 - 15h

Depuis la crise du coronavirus, le télétravail a pris une place de plus en plus importante dans la vie professionnelle de nombreux travailleurs. Toutefois, il engendre des frais supplémentaires pour le travailleur : internet, chauffage, électricité, usage de son matériel privé… Ces frais se sont amplifiés en raison de la crise énergétique que nous connaissons actuellement. Ceux-ci pourraient avoir un effet dissuasif sur le recours au télétravail tant pour le travailleur que pour l’employeur. A la lecture de vos nombreuses questions et commentaires, nous constations qu’il s’agit d’un sujet très vivant au sein des entreprises. Cette note a pour objectif de dresser un aperçu des interventions par l’employeur auxquelles peuvent prétendre les télétravailleurs. Elle constitue un argument clé dans la négociation au niveau des entreprises. En effet, il est bon de rappeler à l’employeur qu’intervenir dans les frais de télétravail peut être fiscalement et socialement avantageux pour lui.
 

Tous les télétravailleurs ont-ils légalement droit à une intervention de leur employeur ?

Les droits des télétravailleurs de prétendre à une intervention de l’employeur dépend de la forme de télétravail sous laquelle ils travaillent. Il convient de distinguer deux formes de télétravail.
 

Le télétravail structurel

Le télétravail structurel est le une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information, dans le cadre d'un contrat de travail, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière et non occasionnelle. Cette forme de télétravail est régie par la CCT n° 85. Dans ce cadre une annexe au contrat de travail sera conclue (à moins que le contrat de travail prévoit déjà cette possibilité). En règle générale, au moins un jour de télétravail est prévu.

Dans le cadre de ce télétravail, l’employeur doit a minima fournir au télétravailleur les équipements nécessaires au télétravail, les installer et les entretenir. Il prend exclusivement en charge les coûts des connexions et communications liées au télétravail.

Il prend également en charge les frais d'installation des programmes informatiques, les frais de fonctionnement et d'entretien ainsi que le coût de l'amortissement de l'équipement, liés au télétravail lorsque le télétravailleur utilise ses propres équipements.

Une intervention minimale de l’employeur est donc prévue. Mais il peut intervenir plus largement.
 

Le télétravail occasionnel

Le télétravail occasionnel est une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail dans le cadre d'un contrat de travail, utilisant les technologies de l'information, dans laquelle des activités, qui pourraient également être réalisées dans les locaux de l'employeur, sont effectuées en dehors de ces locaux de façon occasionnelle et non-régulière. Cette forme de télétravail est régie par la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable.

Il s’agit du télétravail qui survient de manière exceptionnelle en raison d’un cas de force majeure ou de raisons personnelle (grève de transports, graves intempéries, visite exceptionnelle chez le médecin …). Aucune annexe au contrat de travail ne doit être prévue.

Dans le cadre de ce télétravail, aucune intervention minimale n’est due par l’employeur. L’intervention de l’employeur est donc facultative.
 

Etat des négociations au Conseil National du Travail

Suite à la crise du coronavirus, un exercice de réflexion a été initié au sein du Conseil National du travail concernant l’évaluation et la refonte du cadre légal du télétravail. Ces travaux n’ont toutefois pas encore abouti. Les négociations se révèlent en effet compliquée, notamment en ce qui concerne la prise en charge de coûts du télétravail par l’employeur. Toutefois, les négociations n'évoluent pas positivement au sein du CNT.
 

Tableaux des interventions possibles

Les interventions de l’employeur dans les frais de travail peuvent se révéler fiscalement et socialement avantageuses pour lui : celles-ci peuvent sous certaines conditions être considérées comme un remboursement de dépenses propres à l’employeur, avec pour conséquence une exonération fiscale et sociale. Autrement dit, aucun impôt ou cotisations sociales ne seront dus sur les indemnités payées par l’employeur. Il s’agit d’un argument clé dans la négociation des conditions de travail au sein des entreprises.

Ci-dessous, nous vous présentons les différentes interventions possibles ainsi que leur traitement fiscal et social.

Attention ! Pour rappel, dans le cadre du télétravail occasionnel, l’employeur n’a aucune obligation d’intervenir dans les frais de télétravail. Il s’agit simplement d’une faculté d’intervention alors que dans le cadre du télétravail structurel, il s’agit d’une obligation. Il doit intervenir selon les conditions minimales telles que précisées dans les tableaux suivants. Il convient d’abord de remarquer que dans de nombreux cas la colonne de droite reflète la réalité des choses : l’employeur fournit généralement le matériel nécessaire au travailleur, tel qu’un ordinateur, gsm, headset et d’autres outils professionnels. Ensuite, on constate qu’en théorie l’employeur peut octroyer une indemnité pour le télétravail occasionnel mais que c’est rarement le cas dans la pratique.


Frais de fourniture de matériel de travail et d’internet :

 

L’utilisateur utilise son propre matériel privé

L’employeur met à disposition le matériel

Télétravail structurel

=

Obligation pour l’employeur  

Exonération ONSS et fiscale :

Le remboursement est exonéré d’ONSS  dans les limites suivantes :

  • Ordinateur privé : exonération à concurrence de 20 €/mois max.
  • Abonnement internet privé : exonération à concurrence de     20 € /mois max.
  • Deuxième écran, imprimante et/ou scanner propre sans ordinateur privé :

10 €/mois pour tous les appareils ensemble (5 €/mois par appareil pendant 3 ans maximum)

  • Autre matériel privé (écran, scanner,...) : 

Remboursement des frais réels exonéré, moyennant la présentation des pièces justificatives et à condition que ces investissements soient nécessaires pour exercer l’activité professionnelle à domicile de manière normale[1].

Exonération ONSS et fiscale :

L’utilisation du matériel de l’employeur par le travailleur est exonérée de cotisation sécurité sociale, de précompte professionnel et d’impôt

 

Télétravail occasionnel

=

Faculté pour l’employeur

 Exonération ONSS et fiscale :

Le remboursement est exonéré d’ONSS  dans les limites suivantes :

  • Ordinateur privé : exonération à concurrence de 20 €/mois max.
  • Abonnement internet privé : exonération à concurrence de     20 € /mois max.
  • Deuxième écran, imprimante et/ou scanner propre sans ordinateur privé :

10 €/mois pour tous les appareils ensemble (5 €/mois par appareil pendant 3 ans maximum)

  • Autre matériel privé (écran, scanner,...) : Remboursement des frais réels exonéré, moyennant la présentation des pièces justificatives et à condition que ces investissements soient nécessaires pour exercer l’activité professionnelle à domicile de manière normale.

Exemption ONSS et fiscale :

L’utilisation du matériel de l’employeur par le travailleur est exonérée de cotisation sécurité sociale, de précompte professionnel et d’impôt

 


Autres frais (électricité, chauffage, eau, mobilier,…) :

 

Indemnité de bureau

Télétravail structurel

=

Faculté pour l’employeur 

  • Indemnité du bureau (café, eau, frais d’assurance, électricité, chauffage, …) : exonération ONSS et fiscale de max. 142,95€/mois (montant valable au 1/09/2022)
  • Remboursement du mobilier de bureau financé par le travailleur (siège, table de bureau) : exonération ONSS et fiscale 
    • Sur la base de pièces justificatives réelles et
    • A condition que ces investissements soient nécessaires pour exercer l’activité professionnelle à domicile de manière normale.
  • Mise à disposition de mobilier de bureau: exonération fiscale et sociale

Télétravail occasionnel

=

Faculté pour l’employeur

Exonération fiscale et sociale du remboursement des frais à condition que l’employeur prouve que l’indemnité :

-      est destinée à couvrir des frais qui lui sont propres ;

-      et a été effectivement consacrée à de tels frais. 

Régime transitoire : Application de la règle des 10% pour les frais de bureau

Pour les télétravailleurs qui effectuent du télétravail structurel, une indemnité à titre de remboursement de frais peut être prise en compte à raison de 10% de la rémunération brute afférente aux jours de télétravail.

Attention !

Cette règle n’est plus d’application à partir du 1e juin 2022 :

Par conséquent :

Les télétravailleurs qui concluent un contrat de télétravail après cette date ou qui ne bénéficiait pas de ce système de 10% avant le 1er juin 2022  ne peuvent plus bénéficier de ce système ;
Les travailleurs qui se trouvaient déjà dans le système avant le 1e juin 2022 peuvent continuer à bénéficier de ce système.

Cette indemnité de 10% est exonérée de cotisations sociales mais ne l’est pas fiscalement !
 

Cumul possible entre différentes indemnités 

Télétravail structurel 

Pour conclure, un télétravailleur structurel peut prétendre à différentes indemnités. Outre l’indemnité de bureau forfaitaire de maximum 142,95€/mois, l’employeur peut/doit cumulativement intervenir des manières suivantes, tout en bénéficiant d’un traitement fiscal et social avantageux :

Indemnité

Conditions du cumul

Achat de mobilier de bureau et/ou de matériel informatique propres au travailleur

Sur base de pièces justificatives réelles et à condition que ces investissements soient nécessaires pour exercer l’activité professionnelle à domicile de manière normale.

Mise à disposition de mobilier de bureau et/ou de matériel informatique

Mise à  disposition de certains biens nécessaires pour exercer de manière normale ne donnent pas lieu à l’imposition d’un avantage de toute nature.

Usage professionnel d’une connexion et d’un abonnement internet privé

20€/mois max

Usage professionnel d’un ordinateur privé avec périphériques

20€/mois max

Usage professionnel d’un deuxième écran d’ordinateur, d’une imprimante et/ou d’un scanner privé, si le travailleur n’utilise pas d’ordinateur privé

5€/mois max par élément mais maximum 10€/mois

Dans la pratique, nous constatons donc que, puisque la plupart des télétravailleurs travaillent avec des ordinateurs portables fournis par l'employeur, des indemnités allant jusqu'à 162,95 euros sont ainsi octroyées dans le cadre de régimes "généreux". Cela comprend l'indemnité de bureau maximale, et les 20 euros pour l'utilisation professionnelle de la connexion internet privée. Nous tenons à rappeler ici qu'il s'agit de montants maximum dans le cadre d'un traitement parafiscal optimal. D'autres montants, moins élevés, sont également possible et fréquemment versés (= les formules de 20 à 60 €/mois sont également très courantes).
 

Télétravail occasionnel 

En ce qui concerne le télétravail occasionnel, il n’y a aucune obligation de l’employeur d’intervenir dans les différents frais mais il s’agit d’une faculté. Comme pour le télétravail structurel, le cumul est toujours possible mais sur base volontaire et aux conditions suivantes :

Indemnité

Conditions du cumul

Usage professionnel d’une connexion et d’un abonnement internet privé

20€/mois max

Usage professionnel d’un ordinateur privé avec périphériques

20€/mois max

Usage professionnel d’un deuxième écran d’ordinateur, d’une imprimante et/ou d’un scanner privé, si le travailleur n’utilise pas d’ordinateur privé

5€/mois max par élément mais maximum 10€/mois

Autres frais

Sur base de pièces justificatives réelles et à condition que ces investissements soient nécessaires pour exercer l’activité professionnelle à domicile de manière normale.


Quid de la norme salariale

Une question essentielle dans le débat sur l'indemnité de télétravail est évidemment de savoir si une augmentation de cette indemnité serait en contradiction avec une éventuelle norme salariale. En effet, on peut raisonnablement supposer que, compte tenu des indices d'inflation élevés et de l'indexation des salaires belges, la marge salariale maximale disponible s'élèvera à près de 0% selon le calcul effectué dans le cadre de la loi du 26/7/1996.

La réponse à cette question comporte deux aspects. D'une part, un aspect macro, au sens qu'une éventuelle augmentation de l'indemnité de télétravail serait susceptible de réduire la marge salariale maximale disponible pendant la prochaine période d’AIP, puisque qu'elle serait prise en compte dans la "masse salariale". En effet, depuis que la loi a été réformée en 2017, le handicap salarial restant doit être automatiquement déduit de la marge disponible. D'autre part, l'aspect micro : quelle est la probabilité que les entreprises soient pénalisées si elles décident de commencer à verser des  indemnités de télétravail plus élevées ?
 

Macro

La définition du principe de « coût salarial » dans la loi de 1996 est très large et repose sur des règles uniformes au niveau de l'UE. De ce fait, toutes les formes de salaires en espèces, en nature ainsi que les cotisations sociales sont pris en compte dans le coût salarial lors du calcul de la masse salariale et de l'évolution correspondante du coût salarial par rapport aux pays voisins. Par conséquent, les indemnités pour le télétravail sont également comptabilisées dans le coût salarial. Cela implique que l'octroi d'allocations de télétravail plus élevées augmentera, dans une mesure limitée, la masse salariale au niveau macro. Toutefois, des nuances similaires à celles du niveau micro peuvent être apportées ici, avec notamment la nuance que d'autres coûts (salariaux) pour les employeurs, tels que les indemnités de déplacement domicile-lieu de travail et l'utilisation de cartes de carburant, diminuent. En outre, il existe toutes sortes de facteurs qui influencent ce qu'on appelle la dérive salariale (= l'évolution des salaires en dehors des indexations et des augmentations salariales conventionnelles), tant dans le sens positif que négatif, que cela ne peut pas être un argument pour arrêter l'octroi d'indemnités de télétravail plus élevées.
 

Micro

La loi de 1996 définit clairement ce qu’il convient d’entendre par « coût salarial » et l’article 9 (paragraphe 1) stipule que « les conventions de travail au niveau intersectoriel, sectoriel, d'entreprise ou individuel ne peuvent prévoir de dépassement de la marge d'évolution du coût salarial ». Les notions « évolution du coût salarial », « coût salarial horaire moyen » et les éléments qui y sont associés sont en réalité des indicateurs macro-économiques difficilement applicables au niveau de l’entreprise en raison notamment de structures salariales complexes qui prévoient différents types de barèmes et d’indemnités (extralégales). Selon une note interprétative de 1997 rédigée par le Ministre de l’Emploi de l’époque, il faut comparer le coût salarial moyen sur la période biennale avec celui des deux années précédentes. Lors d’un éventuel contrôle dans une entreprise donnée, le coût salarial horaire moyen sur la période biennale de l’AIP sera comparé à celui de la période de l’AIP précédente. Toutefois, il est peu probable que l'octroi d'une indemnité de télétravail entraîne une augmentation significative du coût salarial horaire moyen. Non seulement sa proportion est limitée par rapport à la masse salariale totale, mais le télétravail entraîne également une réduction d'autres coûts (salariaux), par exemple les indemnités de déplacement domicile-travail et l'utilisation de cartes carburant. En outre, Le coût salarial horaire moyen peut également varier en fonction des adaptations structurelles au niveau de l’effectif du personnel. Pensons, par exemple, au fait que les travailleurs âgés soient remplacés par des travailleurs plus jeunes : cela fera diminuer le coût horaire moyen de l’entreprise. A contrario, des augmentations barémiques consécutives entraîneront un coût horaire moyen plus élevé. Il sera donc difficile de déduire que toute augmentation du coût salarial horaire moyen qui dépasse la norme salariale est le résultat de l'octroi d'une indemnité de télétravail. Enfin, d’un point de vue juridique, il n’est pas possible d’effectuer une appréciation ex-ante au niveau de l’entreprise pour vérifier si la CCT est conforme à la norme salariale. En effet, il faut comparer le coût salarial horaire moyen d'une période d'AIP complète, ce qui n'est possible qu'ex-post.

Pour terminer, on peut également mentionner le fait que la loi sur la norme salariale parle de "conventions" au niveau intersectoriel, sectoriel, de l'entreprise ou individuel. Souvent, les indemnités de télétravail sont convenues dans le cadre de ce que l'on appelle des "policy", qui sont équivalent en fait à des documents unilatéraux communiqués par l'employeur. D'un point de vue strictement juridique, une policy n'est pas non plus un accord sur lequel les travailleurs peuvent exercer une influence légale. Ajoutez à cela le fait qu'à la lumière de l'explosion des coûts de l'énergie, on peut certainement faire preuve d'un peu de discernement pour ne pas cataloguer une indemnité de coûts qui peut couvrir ces coûts croissants comme une violation de la norme salariale.


[1] Par exercice normal, il faut notamment entendre que ces dépenses ne doivent pas être excessives en termes de fréquence et de prix  (par exemple : une chaise de bureau tous les 10 ans, une lampe de bureau tous les 5 ans, etc.)

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