Après qu’un accord social partiel a été trouvé entre les membres du Groupe des 10, c’est au tour des secteurs d'entamer les négociations. Mais la marge salariale de 0,0% va naturellement bloquer de nombreuses revendications.
La marge salariale devait servir d’encadrement pour la concertation sociale sur les salaires, elle s’apparente aujourd’hui davantage à des menottes aux mains des négociateurs syndicaux. Présenté le 14 mars dernier, le projet d’accord social s’est limité en grande partie à une prolongation d’accords existants, notamment en termes de régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) et d’emplois de fin de carrière.
Les différents régimes de fin de carrière seront également des thématiques importantes lors des prochaines négociations sectorielles. Après la conclusion de différentes conventions collectives d'encadrement qui aura bientôt lieu au Conseil national du Travail, il sera nécessaire pour de nombreux secteurs de trouver un accord sur ces points avant que les conventions précédents ne cessent leurs effets, la plupart le 30 juin 2023. Sans accord, au 1er juillet, de nombreux travailleurs risquent de perdre la possibilité de bénéficier de ces systèmes.
Plusieurs phases
Les négociations se déroulent en plusieurs phases, à commencer par la rédaction d’un cahier de revendications par syndicat. En- suite, au sein d’une même commission pari- taire, les trois syndicats se mettent générale- ment d’accord sur un cahier de revendications commun, qui sera alors confronté aux éven- tuelles revendications des employeurs. Un calendrier est ensuite défini, où une série de réunions serviront à aboutir à un protocole d’accord. Une fois leur base consultée, en cas d’avis positif, les deux parties concluent un accord, qui est alors concrétisé en convention collective de travail (CCT).
À cause de la loi de 1996 qui détermine une norme salariale (impérative depuis 2017), les représentants syndicaux auront bien du mal à obtenir des améliorations pour les travailleurs en termes de pouvoir d’achat. Les employeurs bénéficient donc d’une position confortable pour ces négociations. Ils n’ont qu’à se retrancher derrière la loi pour ne rien céder sur ce volet. Si la CCT sectorielle ne respecte pas la norme salariale, non seulement elle ne peut pas être rendue obligatoire, mais les employeurs risquent une amende allant de 250 à 5 000 euros par travailleur (jusqu’à 100 travailleurs).
Pas de marge
En 2021-2022, la norme salariale de 0,4% laissait quelques faibles possibilités. Pour les deux prochaines années, la marge de manœuvre est de 0,0%. Ainsi, toute modification qui touche à la masse salariale peut être facilement bottée en touche, car elle dépasserait forcément la norme salariale fixée par la loi de 1996. On parle alors non seulement de salaires, mais aussi d’indemnités et de remboursements en tous genres (déplacements, repas, télétravail, etc.).
Prime pouvoir d'achat
La seule marge de manœuvre que le gouvernement a bien voulu laisser aux syndicats pour augmenter un peu le pouvoir d’achat des travailleurs est la « prime de pouvoir d’achat ». Nous vous l’expliquions dans un précédent numéro du Librement, il s’agit d’une prime unique de 500 ou 750 euros dans les secteurs ou entreprises qui ont connu de bons résultats en 2022. « On est dans le flou », déplore Thibaut Montjardin, chef du service secteurs de la CGSLB. À l’aube du début des négociations, le texte n’a pas encore été publié. Mais nous savons déjà que la définition de bénéfice élevé en 2022 et de bénéfice exceptionnellement élevé qui est exigée au niveau des secteurs est plus stricte que celle exigée au niveau des entreprises.
Autre inconnue, il faudra attendre la publication des comptes des entreprises en mai/ juin 2023 pour connaitre les résultats des entreprises en 2022. Si jamais une prime est accordée au niveau d’un secteur, une prime plus importante peut être négociée au niveau d’une entreprise par la suite.
Pour rappel, ce que la CGSLB demande depuis des années, avec le front commun syndical, c'est de retrouver notre liberté de négocier les salaires avec responsabilité. Il n’est pas dans notre ADN de porter des revendications déraisonnables qui mettront en difficulté les entreprises, mais bien de se concerter entre partenaires afin d’obtenir les meilleurs accords pour tous.
Revendications
Comme dit plus haut, faute de pouvoir négocier librement sur le pouvoir d’achat, d’autres pistes doivent être trouvées. « Il faudra se montrer créatif », prévient Thibaut Montjardin, « des thématiques comme la formation et le bien-être au travail seront également importantes ». Il est par exemple possible de demander une indexation plus régulière, car certaines commissions paritaires (comme la 200) ne sont indexées qu’une fois par an, ce qui provoque un retard de rattrapage des salaires par rapport à l’inflation. Certains avantages déjà accordés auparavant pour une durée déterminée doivent également être renouvelés, comme par exemple un complément sectoriel en cas de chômage temporaire, une indemnité de télétravail, l’octroi de jours de congé supplémentaires selon l’ancienneté ou l’âge, ou encore les indemnisations liées à la mobilité.
Le droit à la formation va aussi constituer une part importante des négociations, il a été défini dans le deal pour l’emploi annoncé en novembre par le gouvernement. Pour les entreprises de plus de 20 travailleurs, un plan de formation annuel doit être mis en place. Il est du ressort d’un syndicat de s’assurer qu’il y ait un choix de formations, que ces formations soient bel et bien données et servent véritablement au développement professionnel du travailleur.
Enfin, il est important de rappeler que le Syndicat libéral ne peut se contenter du projet d’accord 2023-2024. Si celui-ci a largement été approuvé en mars dernier, c’est parce qu’il était nécessaire de prolonger certains systèmes existants ou de laisser la possibilité de les négocier dans les secteurs et entreprises. La marge de 0,0% reste bien évidemment inacceptable pour nous. La CGSLB continuera à se battre sans relâche pour obtenir une modification de la loi sur la norme salariale. Tant que cela ne sera pas le cas, la répartition équitable de la richesse créée sera soumise à une pression croissante.