8 mars 2024 – Journée internationale des droits des femmes
La Journée internationale des droits des femmes est célébrée chaque année le 8 mars dans plusieurs pays du monde. Cette journée est consacrée à la lutte pour les droits des femmes et à la solidarité entre les femmes du monde entier. C'est également un thème important pour la CGSLB. En effet, sur le marché du travail belge, les chiffres montrent qu'il existe toujours un écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Il est grand temps de s'y intéresser de plus près.
Qu'est-ce que l'écart salarial et comment est-il calculé ?
L'écart salarial correspond au pourcentage de différence entre le salaire annuel brut moyen des hommes et le salaire annuel brut moyen des femmes. Il permet ainsi de déterminer dans quelle mesure l’un ou l’autre sexe est désavantagé par rapport à l’autre au niveau salarial.
Son calcul se fait de la manière suivante :
Le résultat est ensuite multiplié par 100.
Bien entendu, selon la manière dont le salaire annuel brut moyen est calculé, le résultat sera très différent. Mais quelle que soit la méthode de calcul utilisée, il est clair que les femmes gagnent structurellement moins que les hommes dans les chiffres en Belgique.
Il existe deux manières de calculer le salaire annuel brut moyen.
- Si ces salaires annuels bruts moyens sont calculés sur la base d'équivalents temps plein (c'est-à-dire si tous les salaires sont théoriquement calculés sur la base d'un emploi à temps plein), il en résulte un écart salarial « corrigé » pour la durée du travail de 8 %. Cela met en évidence le fait que les femmes sont moins bien payées pour le même travail et que les emplois occupés par de nombreuses femmes ont tendance à être moins valorisés et moins bien rémunérés en moyenne.
- Si l'on calcule les salaires annuels bruts moyens sur la base des postes de travail, on obtient un écart salarial « non corrigé » pour la durée du travail de 21 %. Ce chiffre correspond à ce que les femmes gagnent dans la pratique et reflète mieux la réalité, soulignant le fait que les femmes travaillent davantage à temps partiel que les hommes.
Quelles sont les causes possibles de l'écart de rémunération ?
Les chiffres montrent que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. Au Syndicat libéral, nous pensons que le travail à temps partiel devrait toujours être un choix libre. Malheureusement, ce n'est souvent pas le cas. Alors que seul un homme sur dix travaille à temps partiel, c'est le cas de quatre femmes sur dix. Si l'on examine de plus près les raisons invoquées par les femmes pour justifier le travail à temps partiel, on constate que la combinaison de la vie privée et de la vie professionnelle arrive en tête. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à réduire leur temps de travail pour s'occuper de leurs enfants ou d'autres personnes dépendantes. L'écart de rémunération non corrigé met particulièrement en évidence ce problème : dans notre société, la répartition des tâches de soins entre les femmes et les hommes reste très inégale.
Cette répartition inégale se ressent également dans les chiffres relatifs aux systèmes d'interruption de carrière, qui permettent aux travailleurs de suspendre ou de réduire temporairement leur temps de travail pour s'occuper de personnes dépendantes. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à bénéficier d'un crédit-temps pour soins ou d'un congé thématique, qui peut prendre la forme d'un congé parental ou d'un congé pour soins palliatifs ou assistance médicale.
En conséquence, les femmes ont des carrières plus courtes, des salaires plus bas et sont confrontées au plafond de verre, c'est-à-dire au fait qu'elles sont en moyenne moins nombreuses à occuper des postes à responsabilité et donc des postes qui sont en moyenne moins avantageux pécuniairement que ceux occupés par des hommes, notamment parce qu'elles sont plus nombreuses à mettre leur carrière entre parenthèses pour s'occuper de leur famille et sont donc freinées dans leur carrière.
Une deuxième cause de l'écart salarial réside dans les secteurs dans lesquels les femmes travaillent et en amont les domaines d'études suivis. Les femmes sont plus susceptibles de travailler dans des secteurs et des professions moins bien rémunérés, où le travail à temps partiel est parfois la règle, comme la distribution ou le nettoyage. Cette répartition professionnelle et sectorielle inégale des femmes et des hommes sur le marché du travail trouve en réalité sa source dans les trajectoires de formation suivies par les femmes. Bien que les femmes soient davantage diplômées que les hommes, elles s’orientent vers des filières moins bien rémunératrices et plus stéréotypées.
Enfin, on constate parfois une « discrimination salariale pure et simple ». Cela signifie que dans certaines entreprises, des femmes occupant un même poste, à compétences, ancienneté et diplôme égaux, gagnent moins que les hommes alors qu'elles font exactement le même travail. C'est tout bonnement inacceptable. Notre credo est « à travail égal, salaire égal », quel que soit le type de rémunération (classique, extralégale, etc.).
Quelles sont les solutions possibles pour lutter contre l’écart salarial ?
La lutte contre l’écart salarial peut se faire selon une approche juridique, via le droit. Il existe déjà des lois et des mesures qui permettent de lutter directement ou indirectement contre l'écart salarial. Mais celles-ci peuvent toujours être améliorées et de nouvelles lois pourraient être adoptées.
Dans ce cadre, la CGSLB demande une évaluation de la loi du 22 avril 2012 visant à lutter contre l'écart salarial entre les femmes et les hommes. L'objectif de cette loi est de lutter contre l'écart salarial en impliquant les partenaires sociaux à tous les niveaux de la concertation sociale (interprofessionnelle, sectorielle et au niveau de l’entreprise). L'évaluation consisterait à analyser dans quelle mesure les dispositions de la loi ont contribué positivement à la réduction de l'écart salarial entre les femmes et les hommes et ont été appliquées dans les entreprises. Sur la base de cette évaluation, des pistes d’améliorations pourraient alors être recherchées.
De même, le Syndicat libéral demande au législateur d’entamer sans délai les travaux de transposition de la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 sur la transparence des rémunérations, qui vise à lutter contre l’écart salarial. S'agissant d'une directive européenne, ses dispositions ne sont pas directement applicables en Belgique, ce qui implique que le législateur devra modifier le droit belge pour rendre la directive applicable en Belgique. Eu égard à l’importante place laissée à la concertation sociale par la directive, cette transposition doit se faire en concertation avec les partenaires sociaux, à tous les niveaux de la concertation sociale, ainsi qu'avec tous les organismes concernés par la thématique.
Comme nous l'avons dit, de plus en plus de femmes prennent ce que l’on appelle des congés thématiques et des crédits-temps pour motif de soins. Nous estimons que pour encourager davantage d'hommes à prendre ces congés thématiques et ces crédits-temps, il est nécessaire de les réformer de manière à ce qu'ils soient clairs, simples, accessibles et attractifs tant pour les hommes que pour les femmes. Bien entendu, nous ne sommes pas opposés au travail à temps partiel si le travailleur le choisit librement, mais nous voulons éviter qu'il y soit contraint.
En outre, la flexibilité dans l'organisation du travail peut offrir aux travailleurs et travailleuses un meilleur équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. La CGSLB est favorable à développer davantage de flexibilité, qui permettrait à toutes et tous d'organiser son travail en fonction de ses besoins personnels, mais il est indispensable que cette flexibilité soit encadrée à un niveau collectif et non individuel. Les partenaires sociaux doivent donc être effectivement et pleinement impliqués dans la création, la mise en œuvre et le suivi de telles mesures de flexibilité, notamment pour s'assurer que, du point de vue de la réglementation en matière de sécurité sociale, les travailleurs ne sont pas moins bien traités.
Il faut également encourager la diversité au sein des entreprises, notamment en obligeant chaque entreprise ayant un CPPT d'adopter un plan d'action pour la diversité en vue de promouvoir la diversité des genres en son sein, que ce soit en termes de recrutement, de conditions de travail, d'opportunités de promotion, etc.
Le droit ne peut pas tout résoudre. Comme nous l'avons vu, l'écart salarial trouve également sa source dans la place réservée aux femmes et aux hommes dans la société, notamment en matière de répartition des tâches de soins et du travail dit « non rémunéré ». C'est pourquoi des mesures doivent également être prises au niveau sociétal.
Le Syndicat libéral a également des préoccupations concrètes dans ce contexte :
- la CGSLB demande d’intensifier les efforts afin de combattre les stéréotypes de genre dans la formation et sur le marché du travail. Cette lutte doit être menée dans les deux sens : encourager les femmes à s’orienter vers des métiers et des secteurs plus masculins, tels que les STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) et les TIC (technologie de l’information et de la communication), mais aussi encourager les hommes à s’orienter vers des professions plus féminines. Il n'y a pas que des infirmières, il y a aussi des infirmiers ; il n'y a pas que des informaticiens, il y a aussi des informaticiennes ;
- la CGSLB demande qu'une attention particulière soit portée à la revalorisation des secteurs et des professions dans lesquels plus de femmes que d’hommes sont occupés, tant en termes d’image que de conditions de travail ;
- la CGSLB demande une sensibilisation à la répartition des charges familiales entre hommes et femmes, et ce dès le plus jeune âge ;
- la CGSLB demande que les différentes structures d'accueil soient rendues financièrement et géographiquement accessibles à toutes les familles. L'idée est de permettre aux parents de poursuivre leur carrière, sans être obligés de recourir aux différents systèmes d'interruption de carrière pour des raisons financières liées à la garde des enfants ou des personnes dépendantes. L’interruption de carrière doit résulter du libre choix des travailleurs, et non pas être motivée par des contraintes financières liées à la garde des enfants.
Des mesures au niveau européen et international
La discrimination salariale ne touche pas seulement les travailleurs en Belgique, elle concerne les travailleurs du monde entier. Il ne suffit donc pas d'agir au niveau national : il faut voir plus large.
À l’échelle européenne, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes poursuivent leur lente diminution. Mais ces inégalités ne diminuent pas de la même manière dans tous les États membres. Dans certains pays, comme la Bulgarie et l'Irlande, elles augmentent.
L'Union européenne a mis en place une série de mesures afin d’intensifier les efforts en faveur de l’égalité salariale par le biais de campagnes de sensibilisation et d'une législation contraignante, comme l'adoption de la directive sur la transparence des rémunérations et la Journée européenne de l'égalité salariale (Equal Pay Day). Au niveau européen, cette journée indique la date symbolique à partir de laquelle les femmes cessent de percevoir une rémunération pour leur travail fourni par rapport aux hommes jusqu’à la fin de l’année. Cette date n'est pas fixe et change en fonction de l'évolution de l’inégalité salariale. En 2023, cette journée a été « célébrée » le 15 novembre. Cette date symbolique est l'occasion pour l'Union européenne de continuer la sensibilisation et pour la société civile et les médias d'organiser, au niveau national, des activités ou des débats sur la question.
Au niveau international également, la lutte contre l'écart salarial est au cœur des actions de la Confédération syndicale internationale (à laquelle la CGSLB est affiliée), en abrégé la CSI.
Pour la CSI, la lutte contre l'écart salarial passe par la mise en place de marchés du travail inclusifs et égalitaires entre les hommes et les femmes. La CSI mène des campagnes syndicales dans le monde entier pour faire adopter des réglementations, des politiques et des CCT visant à atteindre l'égalité salariale en s’appuyant sur le dialogue social.
La déclaration finale de la quatrième Conférence mondiale des femmes de la CSI reflète l'urgence et la volonté de réduire l'écart salarial entre les hommes et les femmes. C’est ainsi que les syndicats ont notamment demandé :
- de lutter contre le travail informel, majoritairement exercé par les femmes ;
- la mise en place d'une législation efficace en matière d'égalité salariale et de lutte contre les discriminations, conformément aux normes internationales ;
- des initiatives ciblées pour former, recruter et retenir les femmes dans les secteurs et les emplois où elles sont sous-représentées, afin de combattre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale fondée sur le sexe entre les différents secteurs et catégories d'emplois.
La suppression de l’écart salarial, une solution aux inégalités de genre ?
Combler l'écart salarial est un pas important dans la bonne direction et présente déjà l'avantage d'être mesurable. Cependant, en tant que syndicat, nous devrions également oser regarder plus loin. L'écart salarial indique une différence de rémunération entre les hommes et les femmes. Une comparaison est faite sur la base du sexe (les différences biologiques). Et celles-ci peuvent poser des problèmes sur le lieu de travail : les femmes peuvent-elles effectuer les mêmes tâches physiquement exigeantes que les hommes ? Où les personnes transgenres doivent-elles aller aux toilettes ? ...
En outre, nous parlons de genre lorsque nous évoquons les convictions, les normes, les rôles et les attentes liés au fait d'être un homme ou une femme. Ces éléments peuvent également être décisifs dans certains choix de carrière ou certaines opportunités : les hommes sont ambitieux et les femmes sont attentionnées, ... Il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi, mais cela peut arriver. Le défi consiste à inclure les syndicats dans ces discussions afin de garantir le bien-être des travailleuses et des travailleurs. Le résultat est peut-être moins important que le chemin à parcourir pour y parvenir.