Une CCT d'entreprise doit toujours respecter les avantages repris dans la CCT sectorielle !
Introduction
“Une norme de niveau inférieur ne peut déroger à une norme de niveau supérieur qu'à la condition que son contenu soit plus favorable au travailleur". Lors de la conclusion de conventions collectives de travail au niveau de l’entreprise, il est essentiel de suivre ce principe. Les CCT doivent donc respecter les lois ainsi que les CCT sectorielles.
Mais comme souvent, rien n'est ni tout noir, ni tout blanc. Une CCT d'entreprise est le résultat d’une négociation et négocier, c’est faire des compromis. Il n'est pas toujours clair de savoir si, lors d’un tel compromis, par lequel on octroie un avantage particulier en échange d’une concession, on se trouve en contradiction avec une source de droit supérieur. Il existe un "critère de primauté" : si la CCT d'entreprise est, dans son ensemble, plus favorable au travailleur que la CCT sectorielle, la première prévaudra sur la seconde.
Cette question est au cœur de l’arrêt de la Cour du travail que nous traitons ce mois-ci (Cour du travail d'Anvers du 14 juin 2022, RG 2021/AA/102).
Les faits
Au sein de la CP 317 (services de gardiennage et/ou de surveillance), il existe une CCT sectorielle sur le régime des pauses rémunérées (CCT du 15/03/2012 relative à la durée et à l'humanisation du travail, rendue obligatoire par l’arrêté royal du 23/04/2013).
Depuis le 1er avril 2015, l'intéressé était occupé comme agent de sécurité et technicien en prévention incendie.
Son employeur avait conclu en 2018 un accord collectif sur le temps de travail. Si la CCT d’entreprise était plus favorable en ce qui concerne les heures supplémentaires et les primes d’équipe, elle ne prévoyait pas de pauses rémunérées pour les travailleurs de cette entreprise.
Pendant toute la durée de son occupation, le travailleur n'a donc pas été rémunéré pour les pauses prises.
Comme l’intéressé n'était pas d'accord avec cela, une correspondance a été échangée entre le syndicat de ce travailleur et son employeur. Comme aucun accord n’a été trouvé, l'affaire a été portée devant les juridictions du travail.
La requête
L'intéressé a réclamé l'application du régime le plus favorable en matière de pauses. Il a demandé à être indemnisé au titre d'un manque à gagner subi du fait que les 300 heures de pauses ne lui ont pas été payées durant tout ce temps. Cela concerne le préjudice financier direct, mais aussi des adaptations concernant les primes de fin d’année et les pécules de vacances. De plus, il a demandé l’adaptation de tous les documents sociaux et fiscaux pour correspondre à la réalité.
Que dit l’employeur ?
L'employeur est d'avis que le critère de primauté doit s'appliquer ici, de sorte que la CCT d'entreprise ne se trouve dans son ensemble pas en conflit avec la source de droit supérieure, puisque la combinaison des règles relatives aux pauses, aux heures supplémentaires et aux primes d’équipe est plus favorable au travailleur. Selon lui, il n’est pas logique que le travailleur puisse choisir de manière sélective les dispositions de CCT qui lui conviennent le mieux. Toujours selon l’employeur, le travailleur ne peut pas bénéficier du régime avantageux en matière d’heures supplémentaires et de primes d’équipe, tel que convenu au niveau de l'entreprise, tout en bénéficiant en même temps du régime des pauses rémunérées, tel que convenu au niveau sectoriel.
Que dit le juge ?
(décision du tribunal du travail confirmée par la cour du travail)
La cour du travail d'Anvers ne suit pas le raisonnement de l'employeur. Le critère de primauté ne confère pas de sauf-conduit à l’employeur lui permettant d’agir à sa guise et d’ainsi déroger à une norme claire contenue dans une source hiérarchique supérieure.
L’accord sectoriel prévoit expressément que « lorsqu'une disposition d'une CCT d'entreprise est en conflit avec une CCT rendue obligatoire, celle-ci est nulle et non avenue ». Par conséquent, le juge doit laisser inappliquée la disposition contraire (application des articles 9-10 de la loi sur les conventions collectives). Toutefois, la nullité de cette disposition n'entraîne pas la nullité de l'ensemble de la CCT d'entreprise. Cela implique que le travailleur peut, d'une part, bénéficier des dispositions favorables de la CCT d’entreprise en matière d'heures supplémentaires et de primes d'équipe et, d'autre part, bénéficier des règles relatives aux pauses rémunérées prévues par la CCT sectorielle.