Les prix de l’énergie explosent. Beaucoup de consommateurs redoutent de voir arriver les prochaines factures. Notre système d’indexation automatique qui adapte les salaires, les allocations sociales et les pensions à l’évolution du coût de la vie sera-t-il suffisant pour absorber le choc ?
La pandémie de COVID-19 représente un bouleversement sans précédent. L'économie s'est contractée de plus de 6,5 % en 2020. Toutefois, la reprise se révèle plus rapide et plus solide que prévu, ce qui entraîne des effets collatéraux. La demande est en forte croissance alors que beaucoup de secteurs ne peuvent assurer l’offre de produits et services, ce qui fait monter les prix, y compris ceux de l’énergie : gaz, électricité, pétrole et carburants.
Les consommateurs qui ont un contrat à prix fixe sont protégés tant qu’il n’arrive pas à échéance. Les personnes ayant conclu un contrat à prix variable subissent un impact immédiat. Celles qui ont une consommation moyenne et ont reçu un décompte final en août 2021 pour l’année écoulée devront payer en moyenne 181 euros de plus. Si les prix élevés de septembre se maintiennent dans les mois qui suivent, le décompte final risque d’afficher une augmentation de 713 euros pour les consommateurs ayant conclu un contrat variable lorsqu’ils le recevront en mars 2022.
Indice santé
Entre-temps, les prix du diesel et de l’essence ont atteint de nouveaux sommets. Et là, la perte est sèche pour les travailleurs et les allocataires sociaux, car les carburants, au même titre que les boissons alcoolisées et le tabac, ne sont pas inclus dans l’indice dit « santé ». Or, c’est ce dernier qui sert de référence à l’indexation des salaires, des allocations sociales et des pensions.
L'électricité, le gaz et le pétrole sont eux bien repris dans l’indice santé. Ensemble, ils représentent un poids de 51,34 pour mille dans l’indice, soit 5,134 %. Ils exercent donc une influence considérable sur la progression de l’inflation qui est passée de 4,16 % à 5,64 % en novembre, soit le niveau le plus élevé depuis juillet 2008 (5,90 %). Constat qu’il faut relativiser dans la mesure où la forte inflation actuelle (= évolution des prix comparée au même mois l’année précédente) est aussi la conséquence des prix bas pendant la crise Corona en 2020.
Temps de retard
Le moment où le travailleur verra sa rémunération augmenter dépend du mécanisme d’indexation qui s’applique à son employeur. Les traitements dans la fonction publique, les allocations sociales et les pensions sont indexés dès que l´indice pivot est dépassé de 2 %. Ce fut déjà le cas en août 2021. Dans le secteur privé, l’indexation peut être périodique (par exemple tous les mois ou une fois par an) ou survenir après dépassement d’un indice pivot (pas forcément de 2 %).
Cas personnel
Prenons l’exemple d’un travailleur occupé dans une entreprise ressortissant à une commission paritaire dans laquelle les salaires sont indexés chaque année le 1er octobre. En 2021, l’indexation sera supérieure de 1,12 % à ce qui aurait été prévu sans la hausse des prix énergétiques. Pour le salaire brut médian belge qui est de 3 486 euros, il s’agit d’une hausse salariale brute de 39,04 euros. Pour une personne isolée sans charge d’enfant et sans avantages extralégaux, la hausse salariale est de 19,06 euros.
Si cette dernière a une consommation moyenne en énergie et qu’elle a conclu un contrat à taux variable pour lequel elle reçoit le décompte final en septembre 2021, elle paiera un surplus de 181 euros (comme nous l’avons vu au point 2.1), soit 15,08 euros par mois. Comme son salaire net a augmenté de 19,06 euros, ce surcoût est intégralement compensé. Si cette personne forme un ménage (cohabitation de fait) avec une personne disposant d’un même salaire, ensemble elles disposent d’un revenu supplémentaire de 38,12 euros. Étant donné que leur consommation moyenne en énergie reste la même, le bénéfice est supérieur. Cela montre l’importance du système belge d'indexation automatique des salaires.
Indexation insuffisante
Toutefois, si cela a suffi en 2021, l’avenir menace d’être moins serein en 2022. Aux dernières nouvelles, la CREG estime qu’une famille ayant une consommation moyenne en énergie et un contrat variable pourrait payer un surcoût de 700 euros l’année prochaine, soit 58,33 euros par mois. L’indexation salariale de 1,12 % risque alors d’être largement insuffisante. Il faut savoir que les hausses de prix de fin septembre et début octobre ne sont pas encore reflétées dans l'indice (qui prend en compte également les formules tarifaires dans lesquelles la hausse des prix de l'énergie sur les marchés internationaux prend un certain temps à se répercuter). Même si les prix devaient se stabiliser aujourd’hui, l'impact de la hausse sur l'indice dépassera dans tous les cas 1,12 %. Les travailleurs et les allocataires sociaux bénéficieront donc d’une compensation plus ou moins élevée de l’augmentation de leur facture énergétique des mois passés et des mois à venir en fonction de leur situation : le niveau de consommation, la composition du ménage, le type de contrat… Nous pouvons en conclure que la principale vertu du système belge d’indexation est de protéger les consommateurs contre les gros chocs en maintenant leur pouvoir d’achat. Raison de plus pour tout faire pour le préserver.