Les partenaires sociaux réunis au Comité de gestion du Service fédéral des pensions ont rendu un avis divisé sur le projet de loi qui fixe les règles de base de la pénibilité du travail dans le secteur privé. La principale critique des syndicats porte sur le contexte dans lequel ces discussions doivent être menées.
Le gouvernement contraint les partenaires sociaux à débattre des métiers lourds mais il élude des questions fondamentales : quels types de carrières souhaitons-nous à l’avenir ? L’âge de la pension légale, de la pension anticipée et de la pension de survie ont été relevés. Les conditions du RCC et du crédit-temps de fin de carrière ont été durcies. L’allongement de la durée du travail et la flexibilité du temps de travail taillée sur mesure pour les besoins de l’employeur, toutes ces nouvelles formes de travail précaires reçoivent une place de plus en plus prépondérante au détriment d’une saine flexibilité qui doit permettre aux travailleurs d’adapter leur durée de travail et leur carrière en fonction de leurs besoins personnels et familiaux.
Le gouvernement n’apporte aucune réponse sur la manière dont les travailleurs vont pouvoir tenir le coup jusqu’à la fin de leur carrière ou comment rendre le travail plus supportable. Le débat n’est même pas amorcé. Or, c’est précisément le vif du sujet. L’approche de ces dernières années est totalement erronée. Dans leur avis, les syndicats ont dénoncé cette absence totale de vision des carrières comme principe fondamental. Ils ont également souligné les grosses lacunes de ce projet de loi.
Les partenaires sociaux ont remis un avis divisé sur le projet de loi de base établissant un cadre pour la reconnaissance de la pénibilité dans le calcul de la pension, à l’issue de la réunion du Comité de gestion du Service fédéral des Pensions du 5 juin 2018.
Les syndicats ont exprimé, dans ce texte, leurs principales réticences.
En soi, les syndicats sont d’accord avec les catégories de critères générales proposées. Et, comme le gouvernement l’a expliqué lui-même, ces critères doivent être affinés. Les syndicats ont déjà soumis une proposition à ce sujet. Malheureusement, nous n’en trouvons aucune trace dans le texte du projet de loi.
Au contraire, la modeste concrétisation des critères qui nous est présentée soulève de gros problèmes. Par exemple « l’organisation du travail contraignante » est décrite de manière très restrictive, de sorte qu’elle ne s’applique pas à des horaires de travail très contraignants dans des secteurs tels que le non-marchand ou la manutention des bagages dans les aéroports.
Autre gros problème : le critère concernant la « charge de nature mentale ou émotionnelle » n’est pas un critère autonome. Pourtant, aujourd’hui déjà, un stress excessif au travail épuise beaucoup de travailleurs. Sans compter que les femmes risquent surtout d’en être victimes parce qu’elles sont beaucoup plus nombreuses à exercer des métiers qui imposent une forte charge émotionnelle ou mentale.
Dans le régime des travailleurs salariés, au lieu de constituer une liste de métiers lourds, les syndicats veulent aboutir à une liste de critères génériques. En effet, une liste de métiers lourds ne couvre pas suffisamment la complexité du monde du travail.
Il n’est pas sérieux de prétendre que les métiers lourds seront mieux valorisés, alors que dans le même temps on prévoit de les enfermer dans un carcan budgétaire trop strict et prédéterminé. C’est contraire à des règles objectives. Il n’est absolument pas acceptable pour nous que les travailleurs subissent une perte de pension lors d’un départ anticipé pour pénibilité. De la sorte, ce serait les travailleurs eux-mêmes qui prendraient en charge la prétendue compensation de la pénibilité.
Toute exposition de longue durée à un des critères doit faire l’objet d’une compensation. Il n’est absolument pas acceptable de prévoir une période minimale d’exposition aux métiers lourds supérieure à 60 mois. Selon notre lecture des textes, bon nombre de travailleurs n’auront droit à aucune compensation pour avoir exercé des métiers pendant de longues années.
La réglementation transitoire qui spécifie que seul l’exercice d’une fonction lourde pendant les 5 ou 10 (encore à spécifier) dernières années avant 2020 sera pris en compte et pas le travail pénible exercé auparavant est scandaleuse. Toutes les périodes de travail lourd doivent compter.
La compensation que le gouvernement propose est nettement insuffisante pour les personnes qui ne satisfont qu’à un seul des 4 critères. Un travailleur qui a exercé un travail particulièrement pénible physiquement ne recevra qu’une compensation limitée. Celui a commencé à travailler très jeune ne bénéficiera d’aucune compensation du travail pénible dans la proposition du gouvernement. Ce traitement est particulièrement insultant.