Le 7 novembre, plus de 30 000 personnes ont répondu à l’appel du front commun syndical du non-marchand à Bruxelles. Un nombre très élevé et une mobilisation historique qui souligne un profond malaise et à quel point le secteur a besoin de plus de respect, de reconnaissance et de soutien pour son personnel.
Ce sont des travailleuses et des travailleurs de la santé, du social, de la culture ou encore de la petite enfance. Leur travail est inestimable, essentiel au bon fonctionnement de notre société, mais les établissements pour lesquels ils travaillent dépendent directement de subsides publics.
Des craintes pour les secteurs
Alors que cela fait déjà de nombreuses années que ces secteurs souffrent d’un manque de financement, résultant en une faible attractivité du métier, des pénuries de personnel
et une pénibilité accrue, le prochain gouvernement fédéral notamment ne montre aucun signe d’amélioration de la situation.
« On a vraiment peur de coupes budgétaires pour les secteurs du non-marchand, alors que les besoins sont grandissants, et certainement dans le secteur de la santé », avertit Éric Dubois, responsable sectoriel national de la CGSLB. « Sous cette législature, on a déjà réduit la norme de croissance (la majoration annuelle du budget, hors indexation, pour assurer le maintien du niveau de soins dans notre pays, ndlr) à 2%, alors que le Bureau fédéral du Plan déclare qu’une norme de croissance de minimum 3% est nécessaire pour assurer le financement de nos soins de santé », ajoute-t-il.
À l’heure d’écrire ces lignes, le gouvernement fédéral n’est pas encore formé. Les syndicats ont toutefois pu analyser les notes sur lesquelles les négociations se font actuellement, et s’inquiètent qu’aussi peu d’attention soit accordée au non-marchand.
Des revendications non entendues
Dès la fin de la crise du Covid, laquelle a mis en lumière l’importance du secteur, le front commun syndical du non-marchand s’est mobilisé. Deux campagnes ont été menées, la première « À la recherche du collègue fantôme » pour alerter les autorités sur la question de la pénurie, de la difficulté de recrutement, et des conséquences de la détérioration des conditions de travail et de la qualité du service rendu à la population. La seconde « Il est minuit moins une » pour souligner l’urgence de remettre la priorité sur le non-marchand, tant ces services sont importants pour l’ensemble de la société. Deux grandes manifestations, en juin 2022 et en janvier 2023, n’ont pas porté leurs fruits. Malgré quelques promesses du ministre Frank Vandenbroucke, fort est de constater que cette législature a échoué à apporter de véritables changements positifs pour les travailleuses et travailleurs des secteurs de la santé.
Or, les besoins en personnel et les attentes de celui-ci ne font que croître. De nombreuses professions du non-marchand sont coincées dans un cercle vicieux : pénurie > détérioration des conditions de travail > affaiblissement de l’attractivité du métier > pénurie. De plus en plus de travailleuses et de travailleurs quittent le secteur pour sa pénibilité, tandis que de moins en moins de jeunes sont tentés d’y faire leur carrière. « D’où nos revendications d’investissements structurels tant humains que financiers pour lutter contre la pénurie de personnel, et in fine pour garantir la qualité des services à la population », explique Éric Dubois. Il pointe notamment des normes d’encadrement obsolètes dans de nombreux secteurs, qui engendrent des charges de travail intenables, mais aussi le problème d’attractivité du métier. « Il faut améliorer les barèmes sectoriels. Dans le non-marchand, il n’y a pas de 13e mois, par exemple », souligne-t-il.
Négocier des accords
Grâce à cette nouvelle mobilisation massive, qui a même dépassé nos attentes, nous sommes en mesure d’espérer que cela a envoyé un signal fort aux gouvernements déjà en place (en Région Wallonne et Fédération Wallonie-Bruxelles) et aux prochains gouvernements (Fédéral et en Région Bruxelles-Capitale). La priorité sera de se mettre autour de la table avec les représentants des travailleuses et des travailleurs afin de négocier de nouveaux accords sociaux ambitieux qui permettront enfin de rendre des métiers attractifs et tenables tout au long de la carrière. Une travailleuse ou un travailleur du non-marchand doit pouvoir travailler à temps plein tout au long de sa carrière sans s'épuiser physiquement et mentalement. Il doit aussi bénéficier d'un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que de la possibilité de réduire peu à peu son temps de travail en fin de carrière tout en faisant bénéficier le secteur de son expertise.
Investir dans le personnel
Les revendications s’adressaient notamment à la future coalition gouvernementale fédérale, puisque l’on sait que les ministres actuels ne font que gérer les affaires courantes en attendant d’être remplacés. Quelques heures après la fin de la manifestation, Franck Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et de la Santé dans le gouvernement démissionnaire, a reconnu que les manifestants avaient envoyé un « signal important ». Lui qui a déjà connu deux grandes manifestations du secteur sous son mandat, il a défendu son bilan sur les salaires, les conditions de travail (prévisibilité des horaires) et l’attractivité de ces métiers. Il a néanmoins reconnu que ces mesures n’étaient pas suffisantes. « Le prochain gouvernement devra trouver des moyens et investir dans le personnel soignant », a-t-il reconnu, tout en appelant à réformer.