« Si rien ne se passe maintenant, aucune négociation salariale ne sera possible dans les années à venir »
Le Conseil central de l’Économie (CCE) a publié aujourd’hui le rapport technique annuel sur la marge salariale maximale disponible. Ce rapport n’a pas d’impact direct sur la formation des salaires puisque la prochaine norme salariale ne sera pas fixée avant début 2025. Toutefois, les chiffres de ce rapport donnent déjà une idée de ce qui nous attend pour les prochaines négociations salariales de 2025-2026.
Le service d’étude de la CGSLB fait d’emblée un constat particulièrement préoccupant : « En raison de la manière dont les calculs doivent être effectués conformément à la loi de 1996, les négociations salariales risquent de devenir quasiment impossibles. Nous demandons donc instamment aux responsables politiques de travailler à une réforme nécessaire de cette loi ».
La CGSLB lance un appel d’urgence aux partis politiques afin qu’ils se penchent sur une nouvelle réforme de la loi de 1996 après les élections de juin, laquelle devrait permettre de rééquilibrer les négociations salariales dans les secteurs et les entreprises. « Nous agirons de manière responsable, comme toujours, mais imposer une marge (quasi) nulle à tous les secteurs et entreprises pour la troisième fois consécutive est économiquement, socialement et politiquement inacceptable », a déclaré Gert Truyens, Président national de la CGSLB.
Méthode de calcul
La loi du 26 juillet 1996 (révisée pour la dernière fois en 2017) prévoit une méthode de calcul de l’écart salarial avec les pays voisins. Toujours selon cette loi, l’écart salarial doit être déduit de la marge disponible. Selon cette méthode de calcul, l'écart salarial atteindrait 1,8 % en 2024. Selon ce chiffre, les salaires en Belgique auraient donc augmenté de 1,8 % plus rapidement que la moyenne dans les trois pays voisins, à savoir l'Allemagne, la France et les Pays-Bas, depuis 1996. En outre, toujours selon cette loi, une « marge de sécurité » de 0,5 % est prise en compte. Cela signifie donc que les négociations salariales pour la période 2025-2026 commenceront avec un chiffre négatif de -2,3 %. Dans la pratique, cela signifie qu'il n'y a à nouveau aucune possibilité d’une marge salariale pour la période 2025-2026, étant donné que les perspectives salariales dans les pays voisins ne seront pas supérieures de plus de 2,3 % aux perspectives d'indexation en Belgique.
Problématique pour trois raisons
Le service d'étude de la CGSLB estime que cette constatation est extrêmement problématique, et ce pour plusieurs raisons :
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L'écart salarial officiel n'est pas calculé correctement !
En effet, il ne tient pas compte des réductions de cotisations sociales et des subsides dont bénéficient les employeurs en Belgique. Si c’était le cas, l'écart salarial réel en 2024 serait de -2,9 % en faveur de la Belgique, selon les chiffres du CCE. Avec un calcul correct, nous pourrions en ajouter une partie à la marge disponible et il y aurait donc certainement de la place pour une marge salariale en 2025-2026. -
Des engagements irréalistes empêchent toute possibilité de négociation !
L'obligation de déduire l'écart salarial restant de la prochaine marge disponible et l'imposition obligatoire d'une marge de sécurité de 0,5 % empêchent toute possibilité de négociation, tant au niveau interprofessionnel que sectoriel. Après quatre ans de marge salariale nulle ou presque, cette situation nuit au dialogue social et à la paix sociale. Ce n'est pas un hasard si la Belgique a également été condamnée par l'Organisation internationale du travail (OIT) en 2022 à propos de la loi réformée de 1996. L'OIT affirme que la loi viole la liberté fondamentale de négociation des partenaires sociaux. -
Des marges bénéficiaires historiquement élevées !
Les marges bénéficiaires des entreprises belges ont atteint des niveaux historiquement élevés au cours des dernières années, sans marge salariale. Le rapport technique du CCE l'illustre clairement : les marges bénéficiaires brutes ont augmenté pour atteindre 44,6 %, contre ± 40 % en Allemagne et aux Pays-Bas et 32 % en France. Et ce, alors qu'avant le durcissement de la loi, les marges bénéficiaires se situaient presque au même niveau qu'en Allemagne et aux Pays-Bas. Cela montre clairement que la politique de limitation des salaires ne profite qu'aux marges bénéficiaires des entreprises belges.
Plus précisément, la CGSLB demande les réformes suivantes
- La marge salariale doit être indicative ;
- Toutes les réductions de cotisations sociales et les subsides en faveur de l'employeur accordées depuis 1996 doivent être entièrement prises en compte dans le calcul de l'écart salarial ;
- L'imposition obligatoire d'une marge de sécurité d'au moins 0,5 % doit être supprimée ;
- La déduction ou non d'un écart salarial résiduel doit être déterminée par les partenaires sociaux (CCE ou Groupe des 10), et non par le législateur ;
- Un écart salarial négatif devrait être entièrement convertible en une marge salariale plus élevée.