Vous avez constaté des irrégularités lors de la procédure des élections sociales qui ont influencé le résultat des élections dans votre entreprise ? Il est possible, sous certaines conditions, d’introduire un recours devant le tribunal du travail.
Date ultime pour un recours auprès du tribunal du travail
Dans les 13 jours qui suivent l’affichage du résultat, l’employeur, les travailleurs ou les organisations représentatives des travailleurs peuvent introduire un recours devant le tribunal du travail.
Le point de départ qui détermine le délai de 13 jours est le jour de l’affichage effectif du résultat des élections sociales, même lorsque cet affichage a eu lieu plus tôt (Cour du travail de Mons, 19.05.2017). Un recours qui a été introduit à Y+15 alors que l’affichage a eu lieu à Y+1 est considéré comme tardif et non recevable (Tribunal du travail de Bruges, 07.07.2012).
Ce recours peut concerner :
- Une demande d’annulation totale ou partielle des élections : il est possible que pour un collège électoral les élections soient annulées et qu’elles ne le soient pas pour un autre (Tribunal du travail du Hainaut, section de Binche 21.01.2021, 20/1992/A)
- Une demande de rectification des résultats des élections pour cause d’erreur dans le comptage des voix, de répartition des mandats … ;
- L’arrêt de la procédure électorale
- La désignation des représentants de l’employeur au CE ou au CPPT.
À partir des élections sociales actuelles, suite à un amendement à la législation sur les élections sociales, les erreurs dans les résultats des élections basées sur des défaillances purement matérielles pourront être rectifiées sans l’intervention des tribunaux du travail.
Cela demande toutefois un accord entre l’employeur et toutes les organisations représentatives des travailleurs et des cadres qui ont présenté des candidats. Toutefois, une rectification qui affecte le règlement ou la protection contre le licenciement des candidats et des élus n’est pas considérée comme une simple défaillance matérielle, de sorte qu’une décision des tribunaux du travail reste nécessaire.
La procédure d’appel doit non seulement être entamée à temps, mais la demande d’annulation ne peut être basée sur des griefs relatifs aux actions qui précèdent les élections (Cour de Cassation 22.10.1984, JTT 1985, 99 ; Cour de Cassation 17.12.1984, JTT 1986, 13).
Il faut donc introduire un recours avant la date des élections, dans les temps, afin que la procédure électorale puisse se dérouler normalement.
Les élections ne peuvent être déclarées nulles sur la base d’une contestation concernant la composition des collèges électoraux. Les ouvriers et les employés avaient été installés dans un collège électoral distinct alors qu’il aurait fallu constituer un collège électoral commun. Un recours contre cette irrégularité n’a été introduit qu’après les élections. Le tribunal du travail de Louvain a rejeté le recours car l’organisation syndicale avait connaissance de cette irrégularité plus tôt et aurait dû réagir avant le jour Y, jour des élections (Cour du travail de Louvain, 28.06.2016, 16/529/A).
Enfin, celui qui saisit l’affaire devant le tribunal doit prouver son intérêt à le faire. Si les irrégularités n’influencent pas le résultat des élections, il est question de défaut d’intérêt (Tribunal du travail du Hainaut, section de Charleroi 05.02.2020, 20/1839/A et 20/1951/A).
Absence de remarques dans le procès-verbal
L’absence de remarques dans le procès-verbal des élections n’empêche pas qu’une procédure soit lancée pour contester le résultat (Tribunal du travail de Liège, division de Liège 27.01.2021, AR 20/3231/A). Dans la mesure où les élections constituent une matière d’ordre public, aucune disposition de la loi électorale n’exige que des remarques figurent dans le procès-verbal. Toutefois, l’absence de remarques par les témoins dans le procès-verbal peut affecter la décision du tribunal (Tribunal du travail du Hainaut, section de Charleroi 02.09.2016, 16/2475/A).
C’est ainsi que le tribunal du travail de Bruxelles a balayé d’un revers de la main les arguments selon lesquels le secret du vote n’avait pas été garanti et que les électeurs avaient été influencés, car aucune remarque n’avait été formulée dans le procès-verbal au sujet du déroulement chaotique du vote, lequel a dû être déplacé dans une toute petite cuisine au dernier moment, et car les témoins n’étaient pas non plus intervenus oralement au moment des faits. (Tribunal du travail de Bruxelles, 16.06.2016, 16/1441/A).
Les remarques inscrites au procès-verbal sont donc d’une grande importance et peuvent servir de preuve dans certaines circonstances.
Vote par correspondance
Les motifs sur la base desquels un bulletin de vote dans le cadre du vote par correspondance peut être déclaré nul sont énumérés de manière limitative, à savoir :
- Les bulletins qui arrivent après la clôture du scrutin ;
- Les bulletins de vote qui sont renvoyés dans une enveloppe sur laquelle la signature de l’électeur est manquante ;
- Les bulletins de vote renvoyés par un électeur qui est venu voter dans le bureau électoral ;
- Les bulletins renvoyés par un électeur dans une enveloppe qui comprend différents bulletins de vote.
Il n’existe pas de dispositions légales concernant la conservation des bulletins de vote reçus par la poste avant de procéder à la clôture du scrutin (Tribunal du travail de Bruxelles, 20.01.2021, AR 20/1421/A). Les bulletins de vote qui arrivent trop tard en raison d’un mauvais fonctionnement de la poste, sont non valables pour la raison mentionnée ci-dessus. Les soucis à la poste n’ont pas empêché les travailleurs d’exprimer leur vote. En ayant recours à la poste, l’électeur a pris le risque que son enveloppe arrive trop tard. Le retard des services postaux est un « risque malheureusement bien connu » (Tribunal du Travail du Hainaut, section de Binche, 21.01.2021, 20/1922/A).
Il ne peut pas être question de force majeure lorsque les bulletins de vote arrivent trop tard en raison de problèmes techniques à la poste. On ne peut pas non plus demander que le dépouillement soit reporté via un accord entre l’employeur et les organisations syndicales (Tribunal du travail de Gand 27.06.2016, 16/1268/A).
Le tribunal du travail de Liège a jugé que lorsqu’on a utilisé une boîte aux lettres, les lettres qui étaient présentes à temps au bureau de poste sont présumées être arrivées à temps, même si elles n’ont pas été déposées dans la boîte aux lettres. Concrètement, un sac en plastique contenant 133 bulletins de vote par correspondance avait été trouvé dans un bureau de poste alors qu’il n’y en avait que 110 dans la boîte aux lettres elle-même (Tribunal du travail de Liège, division de Liège 26.01.2021, 20/23315/A).
En cas de vote par correspondance, l’électeur doit apposer sa signature sur l’enveloppe extérieure dans laquelle il renvoie son bulletin de vote. La législation sur les élections sociales étant d’ordre public, on ne peut déroger à cette règle et on ne peut donc en aucun cas admettre que les bulletins de vote renvoyés sans la signature de l’électeur sont toujours valables (Cour du travail d’Anvers 09.04.2021, 221/AH/43).
On peut déduire, à partir d’un jugement du tribunal du travail du Hainaut, section de Binche, que l’affranchissement insuffisant des bulletins de retour peut donner lieu à l’annulation des élections sociales. Toutefois, si certains bulletins de vote par correspondance sont arrivés à temps sans aucune remarque de la part du service postal et que l’organisation syndicale n’a pas pu produire une copie des enveloppes litigieuses, l’insuffisance d’affranchissement n’est pas prouvée (Tribunal du travail du Hainaut, section de Binche 21.01.2021, 20/1922/A).
Validité des bulletins de vote
Les bulletins de vote eux-mêmes ont souvent donné lieu à des contestations. Conformément à l’article 61 de la loi sur les élections sociales, sont considérés comme nuls :
- Les bulletins autres que ceux remis à l’électeur au moment du vote ;
- Les bulletins sur lesquels plus d’une voix a été exprimée en tête de liste ;
- Les bulletins sur lesquels l’électeur a exprimé un vote en tête d’une liste et un ou plusieurs votes pour un ou plusieurs candidat(s) d’une autre liste ou de plusieurs autres listes, ou des bulletins contenant des votes pour des candidats de plusieurs listes ;
- Les bulletins dont la forme et la dimension ont été modifiées ou qui contiennent un papier ou un objet à l’intérieur ou à partir duquel le votant peut être identifié par un signe, une inscription ou une marque.
Le signe du bulletin, même imparfaitement apposé, est considéré comme un vote valablement exprimé par la loi électorale, sauf s'il était clairement dans l'intention de l'électeur de rendre le bulletin reconnaissable. La loi électorale vise à garantir le secret du vote (Cour du travail de Bruxelles, 12.12.2012).
La nullité d'un bulletin de vote doit être jugée de manière restrictive, vu qu’elle représente la négation manifeste de la volonté d’un électeur (Tribunal du travail de Gand, section d'Alost 15.06.2016).