Le plan cafétéria est une forme de rémunération flexible de plus en plus populaire dans notre pays. Certains apprécient ses avantages, d’autres se méfient et avertissent de ses conséquences pour le travailleur et la sécurité sociale. Le Syndicat libéral a réalisé une étude auprès de ses membres et ses délégués concernant leur package salarial. L’objectif était de mesurer l’accueil réservé aux plans cafétéria et la façon dont ils sont mis en pratique dans les entreprises.
Définition
À noter que les plans cafétéria n’ont ni définition ni cadre juridique, mais doivent tout de même respecter certaines dispositions en droit du travail, en droit de la sécurité sociale et en droit fiscal. De manière informelle, on
peut définir un plan cafétéria comme « un système salarial dans lequel les travailleurs peuvent choisir un ou plusieurs avantages extra-légaux proposés par l’employeur dans les limite du plan ».
Ces avantages extra-légaux sont les avantages réels qui découlent de la conversion de la rémunération brute. Selon la réglementation en matière de droit du travail, de la sécurité sociale et de fiscalité, si un avantage a un caractère rémunératif, il est passible de cotisations de sécurité sociale. Un avantage extra-légal est à distinguer des indemnités légales, par exemple le remboursement des frais de transport et le sursalaire pour les heures supplémentaires. Le salaire brut, s’il peut être modifié via l’ajout d’avantages extra-légaux, ne peut jamais descendre en-dessous du salaire minimum national ou sectoriel. À noter que sur des avantages de toute nature tels que les GSM ou ordinateurs de fonction, des droits en matière de sécurité sociale seront constitués. Ces avantages ont également le mérite de permettre au travailleur d’économiser certains postes de dépense.
Valeur
D’après une enquête de SD Worx, la valeur des avantages extra-légaux occupe une place de plus en plus importante dans la rémunération des travailleurs. De même, ces avantages jouent un rôle croissant dans les relations de travail macro-économiques. Les montants de ces avantages ont également augmenté, notamment l’indemnité vélo, l’usage privé et la valeur catalogue de la voiture de société.
Toujours selon cette étude, la popularité des avantages extra-légaux augmente également ces dernières années. Ainsi la proportion de travailleurs du secteur privé recevant des chèques-repas est passée de 61,90% en 2018 à 70,75% en 2021. Concernant l’indemnité vélo, on passe de 9,84% à 13,36% pour les mêmes années de référence, et de 17,1% à 20,56% pour l’usage privé de la voiture de société. Plus de la moitié des travailleurs du privé reçoit également des éco-chèques.
Enquête de la CGSLB
La CGSLB a elle-même réalisé une enquête auprès de ses affiliés et ses délégués. Il en ressort que 89,66% d’entre eux bénéficient de chèques-repas, et 63,08% pour les écochèques, soit bien plus que la moyenne
nationale. Si une tentative d’encadrement avait été initiée par le CD&V en 2021, elle ne s’est jamais concrétisée. Pourtant, 72% de nos affiliés ont répondu qu’ils trouvaient nécessaire la mise en place d’un cadre juridique
propre aux plans cafétéria. Si un employeur souhaite connaître les conséquences fiscales de la mise en place de son plan cafétéria, il peut demander une évaluation auprès du SPF Finances (rulings et prefilings fiscaux).
Impact sur la sécurité sociale
Les cotisations sociales sont dues non seulement sur la rémunération brute mais aussi sur certains avantages extra-légaux. En payant des cotisations, le travailleur contribue à la construction de ses droits en matière de sécurité sociale, notamment pour la pension, le chômage et l’incapacité de travail.
En général, les avantages extra-légaux ont un impact négatif sur la constitution de ces droits. Un salaire brut inférieur donnera non seulement une pension inférieure, une prime de fin d’année inférieure, mais aussi un pécule de vacances inférieur. L’impact sur la constitution des droits en matière de sécurité sociale est plus important pour les bas salaires.
Sensibilisation
L’enquête de la CGSLB a révélé que peu de nos affiliés (45%) ont été informés par leur employeur des conséquences des plans cafétéria sur leurs droits en matière de sécurité sociale. De même, seuls 23% ont dit être conscients de ces conséquences et 42% admettent ne pas connaître celles-ci. Il y a clairement un manque de clarté et d’information sur cette thématique.
En pratique
Les plans cafétéria peuvent être limités à une catégorie de travailleurs ou déployés dans toute l’entreprise sans distinction de catégorie. Les plans cafétéria peuvent être différents au sein de la même entreprise pour les différentes catégories de travailleurs, par exemple un pack « voiture » réservé exclusivement aux cadres.
Bien que la participation au plan cafétaria doit en principe être volontaire, le plan cafétéria est parfois instauré via une convention collective de travail (CCT) conclue au niveau de l’entreprise. Cela implique que l’acceptation explicite du travailleur n’est pas requise. Il peut être également introduit unilatéralement par l’employeur via une politique générale (policy), la conclusion de conventions individuelles ou le règlement de travail. D’après notre enquête, 53% des plans cafétéria sont introduits via une CCT. Le travailleur peut refuser d’adhérer au plan cafétéria, il devra alors exprimer son refus formellement auprès de l’employeur. Toutefois, notre enquête révèle que de nombreux affiliés (34%) n’ont pas l’impression d’avoir un véritable choix.
Le budget d’un plan cafétéria peut être constitué de différentes manières : la détermination d’un budget spécifique par l’employeur, la conversion du salaire brut ou de la prime de fin d’année, ou la conversion des deux à la fois.
Propositions
En voyant comment les plans cafétéria sont mis en place dans les entreprises, la CGSLB a formulé plusieurs propositions à cet égard :
- La mise en place d’un cadre législatif pour encadrer et contrôler la pratique des plans cafétéria
- Le recours aux prefilings ou rulings fiscaux doit être systématique et obligatoire, et ensuite soumis au CE ou, à défaut, à la délégation syndicale. Cela permettra d’éviter l’évasion fiscale et de garantir la légalité des plans cafétéria.
- Le travailleur doit être informé clairement et objectivement concernant le fonctionnement du plan, l’impact en matière de sécurité sociale et les possibilités et conséquences d’une sortie du plan ou d’une non-adhésion.
- Le budget du plan cafétéria ne peut pas dépasser 10% des coûts salariaux bruts annuels par travailleur. La limite est également fixée à six fois le revenu minimum mensuel moyen.
- Les indexations salariales applicables (définies dans la Commission paritaire compétente) doivent être systématiquement et rétroactivement appliquées sur la partie du salaire destinée au budget cafétéria.
- Le travailleur doit toujours avoir la possibilité de se faire verser le budget cafétéria sous sa forme parafiscale d’origine.
- Les coûts administratifs du plan cafétéria sont entièrement à charge de l’employeur.
- Dans les entreprises où une délégation syndicale est présente, les plans cafétéria doivent être introduits ou modifiés via une CCT. En cas de présence d’un Conseil d’entreprise, celui-ci doit être informé chaque année de la mise en place des plans cafétéria et d’éventuels changements de ceux-ci. Pour les PME, le plan cafétéria devrait être introduit selon un plan d’adhésion ou transmis à la commission paritaire compétente.
Tandis que les plans cafétéria occupent une place de plus importante dans les salaires en Belgique, la CGSLB prend les devants en formulant ces propositions afin d’éviter autant que possible les excès et les conséquences
néfastes de ceux-ci. Pas question de les interdire, ils sont perçus comme une situation gagnant-gagnant par les travailleurs. Il leur faut par contre un cadre juridique clair et une meilleure information des employeurs vis-à-vis des travailleurs sur les conséquences de ces plans cafétéria sur leurs droits en matière de sécurité sociale. Fixer une limite en termes de budget est également nécessaire afin de préserver les mécanismes d’indexation.
Enfin, ces plans doivent être mis en oeuvre par le biais de conventions collectives, toujours dans le respect de la concertation sociale.