Classification de fonction : une technique spécifique
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L’objectif
La classification de fonctions est un instrument de Ressources Humaines qui permet de ‘ranger’ les fonctions de manière systématique et objectivée et sert principalement de fondation aux systèmes de rémunération qui veulent justifier les différences salariales.
Elle ne peut jamais prétendre être une méthode ou un processus scientifique, ni être un but en soi.
Elle est le plus souvent temporaire car les critères (facteurs) qui sont utilisés pour pondérer les fonctions reflètent un instant précis et ses valeurs de société.
Situer le sujet
La classification de fonctions est un exercice collectif, l’évaluation des personnes est un exercice individuel.
«C’est la chaise et non la personne qui est évaluée» est à cette occasion la métaphore traditionnellement utilisée. On est donc à l’opposée de l’évaluation individuelle qui est périodiquement organisée dans les organisations. Comme précisé ci-dessus, la classification de fonctions a comme premier et principal objectif la planification dans un contexte organisationnel spécifique, d’une structure en vue de déterminer la rémunération de base. Nous n’aborderons cependant pas dans le cadre de cette brochure spécifique les différentes manières de déterminer la rémunération car cela nous mènerait trop loin.
Pourquoi les classifications de fonctions sont-elles remises sur le métier ?
Dans le courant des 25 dernières années les organisations (entreprises et autorités) ont profondément évolué par l’intervention de
Facteurs externes, par l’évolution de :
- la démographie
- la formation (de base & continuée)
- les exigences du marché et du public
- la technologie (TIC)
Facteurs internes, par l’évolution
- des organisations (pratiques professionnelles, comme la logistique)
- du management (de projet, organisations planes)
- des technologies (professionnelles)
- des normes et valeurs (réglementation, communication, transparence)
En fonction du contexte socio-juridique (voir l’annexe C) le thème de la classification de fonctions fera partie de la concertation sociale.
Les techniques de classification de fonctions
Diverses techniques sont utilisées et peuvent être d’application, selon les circonstances et le type d’organisation.
La comparaison par paire
Au sein de petites organisations et structures cette méthode simple s’applique facilement.
- Dans un tableau matriciel ou croisé l’on introduit sur les axes X et Y les fonctions que l’on souhaite évaluer dans un but de classification.
- Chaque participant (il peut s’agir d’un groupe de travail, de l’employeur, du chef de département, etc.) compare horizontalement les fonctions de l’axe X (les cellules en grisé ne sont pas remplies).
-
La règle est – en lecture horizontale – la comparaison de l’axe X à l’axe Y :
- Valeur 2 pour les fonctions plus « lourdes » ;
- valeur 1 pour les fonctions égales ;
- valeur 0 pour les fonctions plus « légères ».
La classification de fonctions analytique
Une classification de fonctions analytique fait appel à un système à points (méthode de classification de fonctions*) pour pondérer les fonctions et ainsi arriver à un rangement des fonctions analysées selon leur poids (poids de la fonction*). Les points accordés sont évidemment relatifs et n’expriment jamais de valeurs absolues.
Trois éléments sont nécessaires pour considérer la classification comme analytique :
- une méthode de pondération ;
- un plan d’échelonnement ;
- des descriptions de fonction.
Notre brochure se concentrera principalement sur cette catégorie de classifications de fonctions.
Les pratiques non analytiques
De nombreuses commissions paritaires et entreprises ont encore des pratiques archaïques qui ne semblent pas compatibles avec la ‘rationalisation’ généralisée de notre société. Malgré un certain tournant ces dernières année, ce paradoxe n’a pas été levé. La pression des exigences de marché, les nécessités organisationnelles ou … les syndicats ou la législation sociale (voir plus loin Egalité des chances) n’y ont pas suffis.
Que révèlent les pratiques paritaires quasi inchangées depuis des décennies ?
- Des nomenclatures (titres de fonctions parfois définitivement disparues)
- Des fonction-clé (sans descriptions de contenu)
- Des compétences génériques (« doit pouvoir lire des textes simples », « est en mesure d’exécuter des calculs de base »)
- Des listes de tâches
- Des exigences de diplôme
- Des noms de catégories (‘classe d’ouvrier non qualifié’, ‘catégorie d’employé surqualifié (sic !)’)
A juste titre on peut se poser la question : pourquoi ces pratiques existent-elles toujours ?
Le coût élevé (en moyens humains et en impact budgétaire) est le plus déterminant pour ne pas s’engager dans une actualisation. En outre, les grandes entreprises d’un secteur – celles qui ont des représentants dans les CP – ne sont pas demanderesses car… elles ont déjà fait cet investissement pour elles-mêmes.
Enfin, une classification désuète et peu identifiable permet une application « flexible » (en faite, arbitraire) avec d’amples possibilités d’interprétation et des plaintes rendues difficiles (par ex. une classe 3 octroyée sur base d’une fonction de référence obsolète).
Le niveau de négociation
Quel que soit le niveau, les principes restent en grande partie les mêmes : le syndicat doit avoir la possibilité de vérifier de manière structurelle un processus de classification et ses étapes et d’y employer les moyens techniques nécessaires.
Le niveau national
Le niveau de négociation national (Groupe des 10) a un impact limité sur le domaine de la classification de fonctions. Cependant, il fixe les lignes directrices qui encadrent les négociations sectorielles. Durant la dernière décennie deux lignes directrices ont été importantes pour le thème de cette brochure. L ’attention portée à la pertinence sociétale des classifications professionnelles (e.a. la neutralité vis-àvis des genres) et la proposition de moyens (juridiques) pour combler les lacunes.
Le niveau sectoriel (commissions paritaires)
Il y a plus de 60 ans les commissions paritaires étaient instaurées. Dès leur créations (arrêté-loi 09.06.1945) la classification professionnelle apparaît comme essentielle car elle détermine les salaires minimum. Ce rôle de choix est toujours présent dans les textes coordonnés des CCT. Les classifications sectorielles (et donc les barèmes qui y sont liés) suivent les lignes de séparation des commissions paritaires. La distinction entre ouvriers et employés y est continuée de manière cohérente, même au sein d’un même secteur d’activité. Les classifications sectorielles sont toujours constituées de fonctions de référence*. Les commissions paritaires des secteurs économiques les plus récents ont pris les devant dans le débat sur le « statut unique » du secteur privé en Belgique. La plupart ont choisi résolument la voie de la classification analytique dont le cadre d’application et de mise-en-oeuvre est entièrement paritaire. Pour les organisations syndicales le niveau sectoriel est le plus efficace pour faire changer les choses dans le bon sens :
- Une classification sectorielle a un effet positif sur les pratiques de concurrence déloyale dans un secteur ;
- Les petites entreprises et/ou les entreprises avec peu de moyens peuvent bénéficier d’un instrument RH sans grand investissement.
Comment est appliquée une classification de fonctions sectorielle au niveau des entreprises ?
Il faut remarquer avec insistance que les classifications sectorielles sont rarement contraignantes pour les entreprises !
Dans la plupart des cas elles sont supplétives. Cela signifie que leur application n’est pas obligatoire. Elles sont des instruments de support RH que les entreprises ne sont nullement obligées d’appliquer. La CP 226 est une exception importante qui confirme la règle.
Sur base d’une ou plusieurs fonction(s) de référence sectorielle(s), l’employeur détermine la catégorie à laquelle appartient la fonction x présente dans son entreprise.
Il est question d’opting in quand il y a obligation de faire référence à la classification sectorielle (par la mention de la classe sectorielle sur la fiche de salaire), même si une CCT d’entreprise concernant l’introduction d’une classification de fonctions analytique y existe. En cas d’opting out cette même CCT d’entreprise existe mais sans obligation de référence à la classification sectorielle.
Ce qui est, par contre, toujours une obligation légale en Belgique, sont les salaires minimum sectoriels qui sont différenciés par classe de fonctions. Ils ont le pas, dans la hiérarchie des normes, sur le revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG) interprofessionnel). Il est de tradition en Belgique d’également tenir compte de l’ancienneté (principalement en ce qui concerne les barèmes des employés), expression de l’expérience utile acquise.
Le niveau d’entreprise
Les organisations qui atteignent une taille critique et qui disposent de moyens (financiers et humains) font à coup sûr le choix d’une classification qui leur est propre, qu’elle soit ou non élaborée à l’aide de la même méthode que celle utilisée au sein du secteur. Ainsi, elles peuvent lier leurs fonctions spécifiques avec plus de précision au système de rémunération.
La pratique des deux dernières décennies a généralisé l’usage de la classification de fonctions au niveau de l’entreprise.
Les négociations qui l’accompagnent se concluent généralement par une convention d’entreprise qui précise les modalités d’application.