Notre responsable sectoriel nationale pour le commerce, Wilson Wellens, a rappelé les abus du modèle de franchise devant la Commission parlementaire des Affaires sociales.
Alors que le dossier Delhaize semble toucher à sa fin, Librement a interrogé Wilson Wellens, responsable sectoriel national de la CGSLB, sur son intervention du 17 octobre devant les parlementaires de la Commission des Affaires sociales. Il y a dénoncé les abus commis par certains acteurs du secteur du commerce. Le cas Delhaize en est un récent exemple.
Wilson, tu t’es exprimé récemment à la Commission parlementaire des Affaires sociales, dans quel cadre s’est tenue cette Commission ?
Wilson Wellens : Chaque syndicat a été invité à la Commission pour parler du modèle de franchise. Le dossier Delhaize a mis en lumière ce problème qui touche le secteur du commerce, et le monde politique s’en rend enfin compte. Des propriétaires de magasins franchisés divisent leur structure en plusieurs entités juridiques, de sorte à tomber dans les conditions d’autres commissions paritaires (CP). La CP 202 est normalement prévue pour les grandes surfaces. Les CP 201 et 202,01 sont prévues pour des entreprises plus petites (moins de 50 travailleurs), avec un maximum de deux magasins dans la même structure. Certains possèdent 15 magasins, mais bénéficient des CP pour les petites surfaces. Les travailleurs qui s’y trouvent, même s’ils font exactement le même travail que quelqu’un dans une grande surface, ont des conditions de travail et un salaire inférieurs. C’est déplorable que la loi soit contournée et se retourne contre eux.
Quel était ton message lors de cette Commission ?
WW :
Mon message était très clair, nous ne sommes pas contre le concept de franchise. Nous n’avons rien contre les PME, ces petits commerces qui ne peuvent assurer des conditions de travail et de salaire comme les grands groupes. Mais que ces mêmes grands groupes se cachent dans les mauvaises commissions paritaires pour justifier des conditions inférieures, ça nous ne pouvons pas l’accepter !
Les travailleurs se retrouvent seules victimes de ce système. En tant que syndicat, nous pouvons agir sur les commissions paritaires, mais pas sur le droit de société qui est utilisé à mauvais escient par ces grands propriétaires. Nous avons donc demandé de l’aide au monde politique pour que de telles pratiques ne soient plus possibles.
Delhaize a désormais ouvert ses premiers magasins franchisés parmi ceux qui étaient intégrés. Il est donc trop tard pour ces travailleurs ? Le dossier Delhaize est définitivement clôturé ?
WW : Les syndicats n’ont pas été en mesure de stopper le plan de franchise de Delhaize, on a fait ce qu’on a pu, mais la loi ne nous donnait pas les moyens de forcer la direction à y renoncer. En dernier recours, nous avons essayé d’obtenir le plus de moyens possibles pour les travailleurs. La CGSLB a vraiment fait la différence à ce niveau-là, car nous sommes le seul syndicat à avoir signé une CCT 90, c’est-à-dire une prime de transition accordée à tous les travailleurs, et qu’elle soit payée en net. Pour une caissière, cela fait une différence de 2000 euros nets ! C’est au moins ça en plus pour celles et ceux qui n’acceptent pas de travailler sous franchise et qui souhaitent retrouver du travail ailleurs, ça leur laisse une enveloppe plus conséquente pour qu’il puisse aborder la suite de leur carrière un peu plus sereinement.
L’un des derniers rebondissements dans le dossier Delhaize, c’est que le groupe persiste à refuser de livrer ses informations financières complètes, de sorte à cacher le bilan comptable de chaque magasin. Ce sont pourtant des informations auxquelles le Conseil d’entreprise (CE) doit avoir accès, et les syndicats s’en sont plaint.
WW : Delhaize a en fait prolongé son année fiscale de plus de six mois pour éviter de livrer des informations complètes au CE. C’est vraiment regrettable. Le problème, c’est que la loi leur permet de le faire. Cela démontre en tout cas le manque de transparence de Delhaize, car dans une telle crise, les membres du CE et les travailleurs ont besoin de comprendre et d’évaluer la situation financière de Delhaize, puisque c’est sur cette base que Delhaize justifie son plan de franchise. C’est vraiment malhonnête.