Bien que le FMI ait reconnu s'être trompé dans ses prévisions sur l’impact de l'austérité et que l'OIT évoque les risques d'instabilité sociale qu'elle pourrait entraîner, les responsables politiques font preuve d’un intérêt de pure forme pour la dimension sociale de l’Europe et remettent le couvert de l'austérité.
Les travailleurs et allocataires sociaux font, eux, toujours les frais de la crise, au prix de tensions sociales, de chômage (25% de chômeurs européens de moins de 25 ans) et d'inégalités grandissants.
Parallèlement à ces ravages humains et sociaux, l'on assiste à une montée inquiétante de l’intolérance et de la xénophobie, comme en témoigne la progression de partis nationalistes anti Union européenne dans plusieurs États membres. Ainsi, seuls 30 % des Européens ont encore une image positive de l’Union.
Il y a un an, la Confédération européenne des syndicats (CES) présentait son Contrat social pour l’Europedétaillant les mesures nécessaires pour mettre fin à la spirale négative et rétablir la confiance de la population.
Au menu? La défense de l'emploi, du pouvoir d'achat des travailleurs et des allocataires sociaux, la relance économique financée par une fiscalité plus juste, un soutien aux services publics ou encore une coordination des politiques économiques pour éviter la concurrence déloyale des pays émergents. Les actes se font toujours attendre…
Reste le Sommet des 27 et 28 juin au cours duquel les dirigeants européens devraient rédiger une feuille de route pour l’Europe sociale. Pour « l’urgence sociale » devrait-on dire, mais en prennent-ils la mesure ? Une chose est sûre : le monde du travail ne leur pardonnera pas s’ils déçoivent une nouvelle fois.
Ainsi, il est impératif que l’UE investisse de 1 à 2 % de son PIB dans un plan de relance économique pour rétablir la croissance, créer des emplois de qualité et permettre aux Etats d’assumer leur rôle en matière de dépenses sociales.
La dimension sociale de l’UE doit aussi signifier de meilleures conditions de vie, de travail et une protection sociale renforcée.
En cherchant à établir un marché du travail transfrontalier libre, les gouvernements ont jusqu’ici échoué dans la mise en place de mesures de protection des travailleurs. Résultats ? Une exploitation généralisée, la mise en concurrence des travailleurs, et un dumping social qui ont pris des proportions désastreuses.
L’Europe sociale, c’est encore un dialogue social et des négociations salariales libres.
Mais les politiques d’austérité et les réductions de dépenses ont fait le choix d’outrepasser la concertation sociale et le droit syndical en matière de liberté de négociation collective et de fixation des salaires.
La CES demande la mise en place d’un revenu minimum dans chaque État membre de l’UE et une hausse significative du salaire minimum légal dans les pays où les syndicats l’estiment nécessaire.
Cette Europe des travailleurs, c’est, enfin, celle du renforcement des services publics, qui doivent être refinancés et rester accessibles à tous, pour une société plus juste.
Les moyens pour une véritable Europe sociale peuvent être trouvés -comme les dirigeants européens s’y étaient engagés- dans une lutte efficace contre la fraude fiscale, qui représente 1.000 MIA d’€ de recettes non perçues par l’Europe.
Les exigences de la CES ont été reprises par le Parlement européen où des eurodéputés ont condamné l’échec de la Commission à présenter des propositions réalistes pour renforcer l’Europe sociale et plaidé pour « un changement de cap » vers une croissance durable, l’emploi et la justice sociale.
La Belgique du travail ne peut suivre aveuglément les « recommandations » qui l’ont menée dans le chaos économique et social avec les conséquences qui se font toujours sentir: licenciements, affaiblissement des services publics, atteintes à la protection contre le licenciement, baisse des rentrées fiscales, augmentation de la précarité de l’emploi des jeunes, chasse aux allocataires sociaux, gel des salaires, suppression des prépensions, accès à la pension compliqué, augmentation de la flexibilité.
Des alternatives existent. C’est une question de choix politiques ! Le front commun syndical belge ne manquera pas de le rappeler d’ici le 25 mai 2014.
Bernadette Ségol, secrétaire générale du Syndicat européen (CES)
Anne Demelenne, secrétaire générale FGTB
Claude Rolin, secrétaire général CSC
Bernard Noël, secrétaire national CGSLB