Une meilleure protection des travailleurs dans le monde d'après corona

18/06/2020 - 09h

Ces derniers mois ne furent pas de tout repos pour le monde syndical. Des millions de personnes ont fait connaissance du jour au lendemain avec le chômage temporaire. Il est encore trop tôt pour oser parler d’après Covid 19, mais pas pour effectuer un premier bilan de ce qui a été fait depuis le début du confinement. Notre société a besoin de se projeter dans l’avenir. Il appartient au monde politique d’en tracer les perspectives. Au Syndicat libéral nous sommes prêts à participer à ce processus de réflexion.
 

Tirer les leçons des erreurs commises en 2008 et lancer un programme d’investissements

L’option choisie après la crise financière et économique était claire : sauver les entreprises qui avaient failli avec de l’argent public avec pour conséquence un endettement de l’État. Pour sortir les comptes du rouge, une politique économique et budgétaire restrictive a été menée au cours de la décennie qui a suivi. Salaires gelés et mesures d’austérité ont entraîné une baisse de la consommation intérieure, et un sous-investissement. La croissance économique est restée faible, ce qui fait que le taux d’endettement exprimé en pourcentage du PIB n’a pas diminué. La Cour des comptes, le comité de monitoring, vous-même, tout le monde a pu se rendre compte des résultats de cette politique.

Le choc économique est aujourd’hui bien plus important qu’en 2008. Il est pour nous évident qu’une politique d’investissements est préférable à une cure d’austérité. Une croissance soutenue peut faire baisser la dette à terme. La Belgique n’est pas en mesure de mener cette politique seule. Un plan de relance à grande échelle au niveau de l’UE s’impose, financé par des euro-obligations, sans grand impact donc sur les finances publiques nationales. La proposition de la Commission européenne constitue un premier pas, mais il faudra aller beaucoup plus loin sur cette voie.
 

Durable et local

Un plan européen d’investissements de grande ampleur doit stimuler la transition écologique, sociale et numérique permettant d’évoluer vers un modèle économiquement durable. La crise corona montre qu’il n’est pas réaliste de dépendre de produits peu durables issus de contrées lointaines. Des productions proches et des chaînes d’approvisionnement plus courtes sont indispensables. Le développement de l’économie locale est impossible sans consommation intérieure suffisante. Il y a moyen de la renforcer en réformant la fiscalité. L’imposition duale et progressive de sorte que les citoyens disposent de revenus nets plus élevés augmenterait le pouvoir d’achat et par conséquent la consommation intérieure tout en favorisant l’emploi durable.

Le bénéfice est double : la diminution de la pression fiscale aura des effets macro-économiques positifs et rendra le travail plus attractif. Si l’aspect qualitatif peut s’ajouter à l’aspect quantitatif, le travail générera moins de stress, moins de burn-out tout en augmentant le niveau de protection sociale.
 

Emplois de qualité

Le filet de la sécurité sociale a aidé beaucoup de travailleur·euse·s à faire face aux conséquences du confinement. Certaines lacunes du marché du travail nous sont toutefois clairement apparues. Le nombre de contrats temporaires et de missions d’intérim ne cesse d’augmenter. Or, ce groupe de travailleur·euse·s précaires est plus durement touché en période de crise.

Voilà pourquoi le Syndicat libéral veut rendre les emplois de qualité moins chers pour l’entreprise par le biais des ratios sociaux. Pour le moment, les employeurs se déchargent du risque financier sur les travailleur·euse·s, notre idée consiste donc à les responsabiliser en augmentant les cotisations sociales sur les contrats d’intérim, sur les contrats temporaires, les flexi-jobs et sur les contrats à temps partiel. Il est préférable de définir les modalités de ce principe dans les commissions paritaires parce que les situations diffèrent de secteur à secteur, certains sont plus exposés aux facteurs externes et ont plus besoin de recourir à la flexibilité.
 

La créativité n’est pas toujours la meilleure solution

Comme si le virus n’avait pas causé suffisamment de dégâts, certains employeurs ont fait preuve de grande créativité dans l’interprétation des dispositions légales. Ils ont mis au chômage temporaire des travailleur·euse·s malades, ils se sont affranchis du paiement du salaire garanti… Pareils abus ont été monnaie courante depuis le début de la crise corona, il est urgent d’y mettre fin. Les entreprises n’ont que peu de bénéfice à tirer de ces pratiques qui enveniment les relations entre employeur et travailleur·euse·s. C’est la première cause de suspension du contrat de travail qui compte. Point.
 

Continuer à télétravailler

Cette période n’a-t-elle été qu’une succession de malheurs ? Heureusement non. Beaucoup de travailleur·euse·s et d’entreprises ont recouru au télétravail et en ont expérimenté les charmes et les difficultés. Tant les employeurs que les salarié·e·s ont bien l’intention de continuer à utiliser cette formule. La CGSLB demande donc un renforcement du cadre légal de sorte que chaque travailleur·euse·s ait un droit au télétravail structurel (pour peu que son emploi s’y prête) deux jours par semaine et que l’employeur soit tenu de payer une indemnité de frais de bureau en plus de l’indemnité obligatoire existante. Les travailleur·euse·s doivent être mieux informé·e·s des possibilités et des implications des outils numériques, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée. Cela passera par la révision de la CCT n° 39 sur les conséquences sociales de l’introduction de nouvelles technologies.
 

Décompte final à la fin du 3e trimestre

Les problèmes ne cessent pas de se poser dès qu’une entreprise reçoit l’autorisation de reprendre ses activités. Au contraire. Le pire est peut-être à venir lorsqu’elle fera le bilan et établira ses prévisions pour 2021. Le pic des restructurations/fermetures/faillites se produira probablement entre septembre et novembre. Le Syndicat libéral veut anticiper ce moment. Les décideurs politiques doivent moderniser le cadre légal des restructurations. Les plafonds applicables pour l’indemnisation par le Fonds de fermeture et en ce qui concerne les créances privilégiées des travailleur·euse·s  en cas de faillite ou de fermeture d’entreprise doivent être augmentés d’urgence. Ces montants n’ont plus été indexés respectivement depuis 11 et – vous lisez bien – 43 ans.
 

Mario Coppens
Président national

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