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Les syndicats dénoncent la déréglementation européenne sous von der Leyen II

05/04/2025 - 17h

Avec Omnibus, l’UE est sur la mauvaise voie

Depuis son entrée en fonction, la Commission von der Leyen II s'est employée à saper les progrès sociaux et environnementaux de sa prédécesseure, von der Leyen I. Le Clean Industrial Deal et les directives Omnibus annoncées menacent de détricoter des législations centrales au Green Deal de l'UE.

Jeudi 03 avril, le Parlement européen a voté en faveur d’un premier volet des mesures Omnibus, lesquelles reporteront l’entrée en vigueur de diverses législations sociales et environnementales. De cette manière, la Commission se donne le temps et l’opportunité de vider cette législation de sa substance et de revenir sur des règles qui viennent à peine d'être adoptées. Hormis l’insécurité juridique ainsi créée pour les entreprises, c’est surtout une voie funeste pour la société et l'économie européennes, qui ne fera que retarder une relance réellement durable.

Bien que pour nous le paquet de mesures sociales et environnementales du Green Deal aurait pu aller beaucoup plus loin, nous avons salué ces pas dans la bonne direction. Nous attendions avec impatience sa transposition dans la législation nationale et nous avons commencé à former nos délégués, pour qu'ils se saisissent de ces nouveaux outils et qu’ils s’impliquent dans la durabilité des entreprises belges à travers la concertation sociale au sein des entreprises.

Même si certains États-membres n’ont pas encore transposé les directives sur le devoir de vigilance et le rapportage en matière de durabilité, la Commission a cru nécessaire de faire un « reality check » en février : deux réunions avec des chefs d'entreprise devaient passer pour une consultation démocratique. À l'issue de ces réunions, elle a décidé que quatre mesures devraient être démantelées, malgré les années de négociations entre le Parlement, la Commission et les États membres et malgré des années de consultation des organisations patronales, des syndicats, de la société civile et des citoyens qui avaient précédé leur adoption.

La Directive sur les rapports de durabilité des entreprises fournit un cadre uniforme, permettant aux entreprises de rendre compte de la manière dont elles progressent vers la neutralité carbone et la durabilité sociale. Sur cette base, les investisseurs, travailleurs et autres parties prenantes peuvent mieux évaluer les perspectives et la viabilité d'une entreprise. 

La Directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité exige des très grandes entreprises qu'elles respectent les droits humains, les normes environnementales et les normes sociales minimales dans leurs activités et tout au long de leurs chaînes de valeur internationales, et qu’elles prennent des mesures pour prévenir et pour mettre fin à certaines pratiques qui violent les normes précités, comme l’exploitation infernale des travailleuses dans les usines textiles du Bangladesh, au travail des enfants dans les mines congolaises, aux catastrophes environnementales en Amazonie, comme aux chantiers de construction avec des nébuleuses opaques de sous-traitants internationaux, etc.. La directive sur le devoir de vigilance permettrait enfin de tenir les entreprises responsables des exactions dans leurs chaines de valeur et de renforcer un accès effectif et réel à la justice et aux réparations pour les victimes.

Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une taxe à l'importation sur les biens intermédiaires, vise à égaliser les impôts des entreprises européennes qui paient des taxes sur le carbone et leurs concurrents étrangers qui ne sont pas soumis à de telles taxes - pensez à l'acier par exemple. La Taxonomie, à son tour, établit des critères pour déterminer quelles activités peuvent ou ne peuvent pas être considérées comme « durables » dans les rapports des entreprises.

Sous la pression des lobbies d'entreprises, la Commission entame une offensive de dérégulation.  Si les propositions Omnibus de la Commission se concrétisent, il n’y aurait plus que quelques très grandes entreprises qui seraient encore tenues de respecter les obligations en matière de rapportage sur la durabilité et le devoir de vigilance. Les conséquences sont bien réelles : en limitant le devoir de vigilance aux fournisseurs directs (« first tier »), ce sont 116 millions de travailleurs dans les chaînes de valeur mondiales qui seraient exclus des nouvelles dispositions protectrices de la directive.

Sous couvert de simplification administrative, prétendument nécessaire pour dynamiser l'économie européenne, la Commission et le Parlement mettent en suspens des mesures pourtant indispensables. Alors qu'elle prétend maintenir l’objectif de la neutralité climatique en 2050, la Commission se prive des instruments qui permettront de l’atteindre. Pourtant, les sondages indiquent bien que 85 % de la population belge et européenne estime qu'il est nécessaire de légiférer pour obliger les entreprises à mener leurs activités de manière (plus) responsable au niveau mondial.

Déréguler et revenir aux recettes du passé ne nous apportera ni une économie orientée vers l’avenir, ni de de prospérité durable pour toutes et tous. Les entreprises et les institutions qui s'étaient déjà engagées sur la voie de la neutralité carbone seraient de nouveau exposées à la concurrence des énergies fossiles.

Les entreprises et les citoyens européens n'ont rien à gagner dans une course vers le bas avec l'administration Trump. Ce n'est qu'en s'engageant dans la lutte mondiale contre le changement climatique, pour les droits humains et en faveur des droits sociaux que la plus grande économie du monde pourra montrer la voie à l'échelle internationale.

Les entreprises et les PME européennes, les travailleurs européens et ceux du Sud ont droit à des politiques tournées vers l'avenir qui garantissent la prospérité  de toutes et tous dans les limites des ressources de la planète.

Parce que le changement climatique et l'injustice sociale mondiale menacent cette prospérité, nous demandons à nos représentants au Parlement européen de ne pas revenir sur des mesures de durabilité démocratiquement introduites. Et parce que la position de la Belgique au Conseil européen n'a jusqu'à présent été discutée qu'avec les entreprises, nous demandons au gouvernement belge de représenter également la voix des syndicats et de la société civile en Europe.

Olivier Valentin, Secrétaire National CGSLB
Marie-Hélène Ska, Secrétaire Générale CSC
Bert Engelaar, Secrétaire Général FGTB

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