En Belgique, environ 150 000 travailleurs bénéficient actuellement d'une forme d'interruption de carrière pour s'occuper de leur(s) enfant(s). Les conditions pour en bénéficier sont devenues encore plus complexes cette année qu'elles ne l'étaient déjà. Depuis le 1er juin, les travailleurs doivent être au service de leur employeur depuis au moins trois ans pour demander ce crédit-temps. Le 1er février, le gouvernement a également décidé que seuls les travailleurs employés à temps plein peuvent encore bénéficier d'un crédit-temps à mi-temps ou d’un crédit-temps d’1/5 pour s’occuper de leur(s) enfant(s). En ces temps de pénurie en matière de garde d'enfants, de telles mesures suscitent des interrogations. Des systèmes tels que le crédit-temps permettent de concilier vie professionnelle et vie privée et empêchent les gens de quitter complètement le marché du travail.
Les salariés des secteurs privé et public peuvent bénéficier d'une réduction temporaire du temps de travail assortie de certaines allocations pour, entre autres, s'occuper de leur(s) enfant(s). Il existe le système du crédit-temps et, à côté de cela, le système du congé parental. On pourrait se demander si le système de congé parental n'est pas suffisant à lui seul. Toutefois, si nous comparons le congé parental belge à celui d'autres pays, nous constatons que des pays comme l'Allemagne, la Suède et la Norvège (les pays scandinaves avec lesquels nous aimons nous comparer) ont davantage développé ce système : plus de congé parental combiné à des allocations plus élevées.
À une époque où il est souvent difficile pour les parents de travailler tous les deux et de faire garder leurs enfants en même temps, les systèmes tels que le crédit-temps et le congé parental sont souvent un dernier recours pour faire avancer les choses. Tous les parents ne peuvent pas compter sur leur famille ou leurs amis pour garder leur(s) enfant(s) et/ou les emmener à l'école. En outre, de nombreux parents ne souhaitent pas non plus confier leur enfant à une structure d'accueil à temps plein. Ils souhaitent également investir une partie de leur temps dans l'éducation de leur enfant, ce qui est même la chose la plus normale du monde dans un pays comme la Suède.
Les travailleurs qui interrompent leur carrière pour s'occuper de leur(s) enfant(s) le font souvent sous la forme d’une réduction du temps de travail ( temporaire ) de 1/5ème. Ces personnes sont prêtes à renoncer à une partie de leur salaire pour libérer du temps afin de s'occuper de leur(s) enfant(s). L’allocation qu’ils reçoivent en retour représente une faible compensation, mais qui peut faire la différence entre le fait de prendre ou non ce crédit-temps ou ce congé parental et aussi la différence pour parvenir à un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Certains se noient, avec toutes les conséquences que cela implique. Ils quittent le marché du travail ou, pire encore, tombent malades. Les prestations de maladie coûtent beaucoup plus cher au gouvernement qu’une prestation pour crédit-temps ou un congé parental. Avec 500 000 malades de longue durée (+/- 40 % pour des raisons psychologiques telles que l'épuisement professionnel et la dépression), nous sommes déjà parmi les plus mauvais élèves de la classe en Europe. En d'autres termes, lésiner sur des systèmes tels que le crédit-temps et le congé parental peut avoir un impact social majeur.
L'obligation pour un travailleur de travailler à temps plein pour bénéficier d'un crédit-temps prive les travailleurs à temps partiel de la possibilité d'utiliser un système de crédit-temps pour s'occuper de leur(s) enfant(s) en cas de besoin pressant. Lorsque l'on sait que 42 % des femmes employées dans le secteur privé travaillent à temps partiel, cela les affecte particulièrement. Cependant, un avis conjoint du Conseil national du travail des organisations syndicales et patronales, suivi par le Conseil d’État, a fait en sorte que le gouvernement dispose de l’arrêté royal, qui constitue la base de cette modification. De ce fait, les travailleurs à temps partiel peuvent encore prendre un crédit-temps pour la garde d'enfants, mais seulement à temps plein. Bien entendu, les travailleurs peuvent toujours prendre un crédit-temps en vertu des anciennes règles (cf. CCT), mais sans allocations, ce qui, dans la pratique, est rarement le cas.
En conclusion, une note positive : les pères belges s'investissent plus que jamais dans le congé parental. Leur part dans l'utilisation du congé parental a fortement augmenté ces dernières années et s'élève actuellement à 35 %. Cela ne représente pas 50 % mais c'est plus que la part des pères suédois ( 30 %). Cela place la Belgique au premier rang en Europe. Cependant, en écrasant davantage les systèmes tels que le crédit-temps, il y a aussi un risque que cette évolution positive soit stoppée et, dans la pratique, de voir principalement les femmes prendre des crédits-temps et des congés parentaux et donc, de continuer à assumer la plupart des tâches domestiques.
Donc il y a encore du pain sur la planche. Les systèmes de crédit-temps et de congé parental doivent être simplifiés. Actuellement, ils sont si complexes qu’il est difficile de s’y retrouver si on n’est pas spécialiste du domaine. Le crédit-temps doit également rester accessible afin que les parents puissent l'utiliser lorsque le besoin s'en fait sentir. Et les allocations doivent être augmentées ! Cela pourrait contribuer à ce que davantage de pères entrent dans un tel système, et cela pourrait également abaisser le seuil pour les parents célibataires, car les chiffres montrent qu'ils ne prennent pratiquement jamais de crédit-temps ou de congé parental.