Pour recueillir vos opinions sur la sécurité sociale, la CGSLB a organisé quinze plateformes zonales un peu partout dans le pays. Entre le 11 février et le 18 mars, la Secrétaire nationale Sabine Slegers, accompagnée de spécialistes de notre service Sécurité sociale et du Service Chômage, a pris son bâton de pèlerin pour aller expliquer les enjeux de la réforme de notre système de protection sociale et pour écouter vos remarques et opinions. Elle a présenté la synthèse lors du Comité national du 1er avril.
Dans les quinze plateformes zonales, le débat fut animé et passionnant tant le sujet ne laisse personne indifférent. Les deux années de pandémie nous ont bien fait comprendre l’importance d’allouer un revenu de remplacement (les allocations de chômage temporaire) à tous ceux qui en étaient privés et d’assurer les meilleurs soins à ceux qui étaient touchés par la Covid-19. Pendant une courte période, c’est une politique de sauvetage de l’économie « quoi qu’il en coûte » qui a été mise en place dans la plupart des pays industrialisés. Or le principal défi auquel nous devons répondre en permanence est bien l’équilibre entre les rentrées financières et les dépenses de la sécurité sociale. Un équilibre d’autant plus menacé que la population vieillit.
Ingénierie sociale
Les recettes sont mises à mal par deux tendances en croissance : les formes alternatives de travail et les formes alternatives de rémunération. En clair, il s’agit d’une part du travail de plateforme, des flexi-jobs, du travail étudiant… et d’autre part des plans cafétaria, voitures de société, actions, CCT 90… Dans tous les cas, il s’agit d’éluder totalement ou partiellement le paiement de cotisations sociales pour augmenter le revenu net tout en diminuant le coût salarial pour l’employeur. Ce dont les travailleurs concernés ne se rendent pas compte, c’est que leurs droits sociaux s’en trouvent réduits. Les allocations de chômage, les indemnités d’incapacité de travail sont calculées sur la base du salaire brut. Pire, les travailleurs occasionnels et les flexi-jobeurs n’ont le plus souvent pas droit au chômage temporaire, ce qui en période de crise sanitaire s’est révélé dramatique.
Rester pragmatique
Une étude réalisée par SD Worx démontre qu'au moins 6,7 milliards d'euros ont été octroyés aux travailleurs sous forme de rémunérations alternatives. Contrairement à nos confrères de la CSC et de la FGTB qui crient haut et fort qu’il faut supprimer toutes les exceptions (alors que leurs délégués les négocient dans les secteurs et les entreprises), nous admettons qu’elles répondent à des besoins. Nous sommes pragmatiques et nous osons le dire. Les étudiants doivent pouvoir travailler, les salariés doivent continuer à bénéficier d’une pension complémentaire ou encore d’une assurance hospitalisation… à condition que l’accumulation ne mette pas en péril le financement de la sécurité sociale. En revanche, la CGSLB demande la fin des statuts précaires. Le contrat de travail à temps plein à durée indéterminée doit rester la norme. Il faut limiter le recours aux stages, aux intérimaires, aux flexi-jobs et aux étudiants par exemple en appliquant des ratios sociaux, c’est-à-dire un système d’augmentation des cotisations sociales suivant que l’employeur abuse ou use raisonnablement des autres formes de contrats de travail.
Payer les pensions légales
Il y aura de plus en plus de pensionnés malgré le relèvement de l’âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans. L’idée que les pensions légales seront bientôt impayables a été largement répandue pour faire peur à la population alors que nos pensions belges sont parmi les plus basses d’Europe de l’Ouest. Karine Lalieux, ministre des Pensions, a préparé une proposition de réforme qui devrait se dérouler en 3 phases. Une première phase a déjà été réalisée et a permis une meilleure protection minimale entre autres par le biais d’une augmentation progressive de la pension minimum garantie. Une deuxième phase se concentre sur la fin de carrière et sur l’offre de perspectives positives à tous les travailleurs. Elle comprend, entre autres, des propositions de réforme des conditions d’accès à la pension anticipée et à la pension minimum, l’introduction d’un bonus de pension et la possibilité de prendre une pension à mi-temps. La troisième phase devrait être lancée au sein du Comité national des pensions réformé. Les thèmes qui devraient être abordés dans ce Comité sont : l’augmentation des ratios de remplacement, la généralisation de la pension complémentaire et la modernisation des dimensions familiales.
Propositions
En attendant une concertation approfondie et sérieuse sur l’avenir de nos pensions, la CGSLB demande l’augmentation de toutes les prestations de pension et surtout des plus basses. Conformément au principe d’assurance (je cotise et donc je crée des droits), nous voulons que les pensions soient calculées sur la base de 65 % du salaire au lieu de 60 %. Le droit à une pension minimum doit être ouvert après 20 ans, en tenant compte de toutes les formes de travail, quel que soit le statut.
Nous demandons évidemment le maintien des périodes assimilées (non-travaillées) dans le calcul de la pension. Une carrière de 42 années assimilées ou effectivement travaillées doit donner droit à une pension, avec une correction pour les métiers lourds. Dans le cadre du travail faisable, la CGSLB demande au gouvernement une politique des pensions qui s’accompagne de décisions équitables sur le RCC, les emplois de fin de carrière et les métiers lourds.
Enfin, tout en préservant la pension légale, la CGSLB demande la poursuite de la démocratisation de la pension complémentaire.
Soins de santé
Lors de la mise en place du système de sécurité sociale en 1944, le choix a été fait de financer les dépenses de soins de santé par le biais des cotisations sociales. La CGSLB demande que l’on revienne à un système de santé offrant à chaque citoyen un accès égal à des soins performants et garantissant la qualité de vie. Nous estimons que des moyens de financement alternatifs doivent être directement affectés aux soins de santé. Après tout, les dépenses de santé sont liées à chaque citoyen, indépendamment de son "statut professionnel". L’État doit assumer sa responsabilité au travers d’un système fiscal équitable par le biais de ses contributions au financement de la sécurité sociale.
Incapacité de travail
L’ambition du gouvernement Michel de remettre au travail 10 000 malades de longue durée a échoué : 68 % des trajets de réintégration conduisent à une décision d’inaptitude au travail convenu et même à tout autre travail dans l’entreprise, ils ne conduisent même pas à un travail adapté. Non seulement les employeurs ne font aucun effort pour réintégrer les travailleurs, mais souvent ils les licencient pour force majeure médicale, sans indemnités.
La CGSLB demande de profondes adaptations de la législation sur la réintégration. Il faut absolument limiter les possibilités d'invoquer la force majeure médicale. La procédure doit reposer sur le volontariat. Travailleur, employeur et médecin du travail doivent mieux se concerter afin de donner plus de chances de réussite à la réintégration.
Allocations de chômage
La CGSLB rejette l’idée de limiter dans le temps le droit aux allocations de chômage qui n’aboutit qu’à contraindre les personnes à se tourner vers le CPAS ou… à disparaître des statistiques. Nous demandons la suppression de la dégressivité renforcée des allocations de chômage ainsi que la suppression de la limitation dans le temps des allocations d’insertion et la réintroduction de l’ancienne limite d’âge de 30 ans. Nous plaidons pour un meilleur accompagnement sur mesure pour les demandeurs d'emploi dans leurs recherches, qui permette de passer de la sanction à la récompense et aux perspectives de travail.
Accidents et maladies professionnelles
La CGSLB souhaite que la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (ou ses ayants droit) puisse engager une action civile contre l'employeur s'il a commis une faute grave ayant causé l'accident ou la maladie professionnelle. L’idéal serait bien sûr que chaque employeur donne la priorité à la prévention des accidents et des maladies dans le respect des dispositions de la loi sur le bien-être au travail.
La CGSLB demande que les personnes travaillant via des plateformes numériques aient également accès à une protection sociale adéquate et que l'on trouve un moyen d'offrir une sécurité juridique suffisante aux apprentis et aux stagiaires.
Des allocations justes
Les principes d'assurance et de solidarité caractérisent le modèle belge de sécurité sociale dans un indispensable esprit d’ équilibre mutuel. Equilibre qui est menacé. Le principe d’assurance n’est plus tout à fait respecté depuis que le montant des cotisations sociales est calculé sur la base d’un salaire plafonné, et plus sur le salaire brut total. Les « gros » salaires ont l’impression de payer trop pour les autres et que le principe de solidarité l’emporte. La tentation de recourir à des assurances privées est grande. À l’autre extrémité, les allocations les plus basses se situent en-dessous du seuil de pauvreté. Le principe de solidarité n’est pas respecté non plus.
La CGSLB demande donc l’augmentation du taux de remplacement des allocations par rapport aux salaires perdus et la hausse des plafonds salariaux dans le calcul des allocations. En même temps, la CGSLB veut un mécanisme automatique pour garantir que toutes les allocations représentent toujours au moins 60 % du revenu médian et une révision (à la hausse) du seuil de pauvreté.