Fin mai 2016, la Commission européenne a envoyé une version provisoire de ses recommandations spécifiques par pays (RSP) à la Belgique. Celles-ci s’inscrivent dans le cadre du processus du Semestre européen, à propos duquel vous trouverez plus d’information sur la page thématique dédiée.
Voici ce que la Commission européenne recommande à la Belgique :
- Opérer un ajustement budgétaire annuel d'au moins 0,6 % du PIB vers l'objectif budgétaire à moyen terme; utiliser les recettes exceptionnelles pour accélérer la réduction du ratio de la dette publique; convenir d'une répartition des objectifs budgétaires entre tous les différents niveaux de pouvoir, qui aurait force exécutoire; simplifier le système fiscal et supprimer les dépenses fiscales qui provoquent des distorsions;
- Procéder au réexamen prévu de la «loi de 1996» sur la compétitivité et l'emploi en concertation avec les partenaires sociaux; veiller à ce que les salaires puissent évoluer parallèlement à la productivité; garantir l'efficacité des politiques d'activation du marché du travail; avancer sur la voie des réformes de l'éducation et de la formation professionnelle et prodiguer une aide à la formation, notamment aux personnes issues de l'immigration;
- Stimuler la capacité à innover, notamment en encourageant l'investissement dans le capital des connaissances; accroître la concurrence dans le secteur des services aux entreprises et le secteur du détail en levant les restrictions d'exploitation et d'établissement injustifiées; et s'attaquer au déficit d'investissement dans les infrastructures de transport et dans la capacité de production d'énergie.
En tant que Syndicat libéral, nous ne sommes pas totalement en phase avec ces recommandations. C’est pourquoi nous avons formulé un certain nombre de commentaires à partir des recommandations émises, qui contiennent des suggestions de modifications. Ceux-ci ont été transférés au gouvernement Michel, qui avait encore la possibilité de proposer des révisions à la Commission européenne.
En ce qui concerne la première recommandation, nous estimons que la Commission a bien fait de pointer la simplification des régimes fiscaux et les conséquences néfastes qui s’en suivent (exemple : le maintien des voitures de sociétés). Nous espérons en tant que Syndicat libéral que ces RSP incitent le gouvernement à revoir sa réforme de sorte à mieux répartir la charge et les recettes fiscales. Il convient d’élargir l’assiette fiscale, comme cela a déjà été mentionné dans la deuxième recommandation de 2014-2015. Ceci est nécessaire afin de stopper l’effet boule de neige : la politique d’austérité, qui comprend notamment la hausse des taxes de consommation, a un impact négatif sur la consommation privée et sur l’inflation. Il est urgent d’imposer les grosses fortunes, les actionnaires et les pollueurs de manière plus importante.
La deuxième recommandation nous pose problème dans le sens où la Commission européenne s’immisce dans une question qui est du ressort exclusif de chaque État membre. De plus, en Belgique, ce sont les partenaires sociaux qui sont compétents en matière formation salariale, et non le gouvernement. Il n’est pas correct de lier l'évolution du coût salarial à la productivité. En premier lieu, il convient de garantir le pouvoir d’achat dans le cadre de la formation salariale en vue de soutenir l’économie locale de manière suffisante, de sorte à protéger l’économie belge contre les chocs externes. À souligner par ailleurs qu’il est positif que la Commission reconnaisse le rôle des partenaires sociaux dans la réforme de la loi de 1996 et qu’elle stipule qu’il faille leur laisser une marge de manœuvre et le temps nécessaire afin de pouvoir arriver à un résultat négocié (et donc éviter de reprendre les rênes dès que ça coince, comme le fait actuellement le gouvernement belge).
En ce qui concerne la politique du marché du travail, nous sommes heureux de constater que la Commission européenne admet cette fois-ci clairement l’existence d’un lien entre les problèmes que certains groupes de travailleurs rencontrent sur le marché de l’emploi et leur niveau d’éducation et de compétences plutôt que de pointer le manque d’envie de travailler par absence d’incitants financiers. Dans un monde en mutation rapide, il est nécessaire de réformer les systèmes éducatifs et d’élargir les régimes d’apprentissage en alternance, ainsi que d'encourager d'autres formes d’enseignement. Ajoutons à cela la nécessité d’organiser des formations au niveau de l’entreprise tout au long de la vie, un élément important qui n’a pas été mentionné dans les RSP de la Commission. Dans le contexte économique actuel, il est évident qu'une partie importante des travailleurs risque de perdre son travail à court ou à moyen terme et devra donc aller à la recherche d’un nouvel emploi. Il est dès lors essentiel que ces personnes puissent développer de nouvelles compétences afin de pouvoir sécuriser leur avenir professionnel. Une réforme de l’enseignement doit s'accompagner de moyens financiers pour être efficace. A ce propos, la CGSLB souhaite que la Commission exige du gouvernement qu’il libère suffisamment de fonds.
Dans la troisième recommandation, une évolution positive réside dans le fait que la Commission prend enfin en considération les analyses relatives à l’économie belge qui soulignent l’importance d’améliorer les aspects de la compétitivité extérieure non liés aux coûts. Dans son rapport adressé à la Belgique de l’année passée, elle avait reconnu qu’une politique de modération salariale n’était pas une bonne stratégie à long terme si notre pays voulait renforcer sa position concurrentielle. Nous saluons le fait que la Commission insiste dans ce cadre sur la nécessité de gains de productivité et d’investissements en capital basé sur la connaissance. La CGSLB souhaite y ajouter un autre élément, à savoir le besoin de formations tout au long de la vie. En effet, valoriser au maximum les investissements dans l’innovation sous-entend, dans un monde en mutation permanente, d’assurer la formation du personnel. Le gouvernement doit encourager les formations sur le lieu du travail, et ceci, non seulement en fonction de la productivité, mais aussi dans le cadre du ‘travail faisable et maniable’.
Par ailleurs, en vue de renforcer la concurrence dans les secteurs du commerce et des services, la CGSLB propose d’intégrer une recommandation visant à lutter contre les entreprises jouissant d'une position dominante dans leur secteur d'activité qui abusent de cette position et créent des distorsions de concurrence. Pensons ici aux cartels, aux ententes tacites d'entreprises, aux marchés qui ne sont pas assez accessibles aux nouveaux entrants, etc. Les prix dans certains secteurs sont plus élevés en Belgique que chez nos voisins. Cet écart ne s’explique pas uniquement en raison des barrières réglementaires existantes, qui soit dit en passant s’avèrent nécessaires. Nous constatons d’importantes distorsions, notamment dans la fourniture de services professionnels. Il devient urgent d’agir. Soumettre ces entreprises à une plus forte concurrence permettrait de faire baisser les prix, et par conséquent de contribuer à modérer l'inflation, en plus d’encourager l’innovation.
Comme déjà signalé, nous saluons le fait que la Commission mette enfin l’accent sur la nécessité d’une compétitivité extérieure non liée aux coûts, dans laquelle l'investissement productif dans les infrastructures, l’énergie durable, etc. tiennent une place. Il va sans dire que les entreprises ont un rôle important à y jouer. Toutefois, nous insistons sur le fait qu’une bonne partie de ces investissements doit être assurée par les pouvoirs publics. Le niveau d’investissement public est historiquement bas en Belgique, et nous regrettons que la Commission européenne ne mentionne pas ici la nécessité de renforcer les investissements publics de toute urgence.