Le 19 juillet 2022, le gouvernement est parvenu à un accord sur la réforme des pensions. Cette réforme des pensions consiste dans l’ajout d’une condition pour ouvrir le droit à une pension minimum et dans l’introduction/la réintroduction d’un bonus de pension. La présente note vous explique brièvement ce que nous savons et ne savons pas (encore) sur cette réforme des pensions. Rappelez-vous que le gouvernement actuel a déjà partiellement mis en œuvre une réforme des pensions qui visait principalement la soutenabilité sociale des pensions (cf. les augmentations graduelles du plafond de calcul et de la pension minimum).
Attention !
Cette note contient un aperçu de la réforme des pensions qui vient d’être approuvée par le gouvernement. Pour l’instant, il s’agit uniquement d’un accord. L’accord doit encore être converti en un projet de loi et le chemin à parcourir est encore long. Les partenaires sociaux seront encore consultés. Les informations reprises ci-dessous ne constituent donc pas la législation. Le contenu n’est donc pas du tout certain !
Condition supplémentaire pour pouvoir prétendre à une pension minimum
Avant d’aborder la condition supplémentaire que le gouvernement ajouterait pour pouvoir prétendre à une pension minimum, nous vous rappelons ce qu’est exactement une pension minimum, quelles sont les conditions actuelles d’accès à la pension minimum et comment le montant de la pension est déterminé.
Bon à savoir : afin de bien comprendre les informations reprises ci-dessous, il est important de savoir qu’une année de travail à temps partiel se compose toujours de 312 jours à temps plein. Si quelqu’un travaille à temps partiel, les jours sont convertis en jours à temps plein. Quelqu’un qui travaille à mi-temps devra donc prouver 312 / 2 = 156 jours à temps plein.
Pension minimum ?
Pour chaque année de la carrière, un revenu de pension est calculé en fonction du salaire perçu et de la situation familiale du salarié.[1]
Si le montant final de la pension est inférieur à un certain montant minimum, une pension minimum garantie peut être attribuée sous certaines conditions. En d'autres termes, la pension minimum garantie corrige le montant de la pension.
Quelles sont les conditions ?
Pour remplir les conditions de la pension minimum garantie, il faut prouver une carrière d’au moins 30 années (deux tiers d’une carrière complète = 30/45). La prise en compte ou non d'une année de carrière est appréciée sur la base d'un critère sévère et d’un critère souple.
Selon le critère sévère, une année de carrière n'est prise en compte que si au moins 208 jours à temps plein (assimilés/effectivement prestés) ont été justifiés au cours de l'année civile donnée (≈ la pension minimum garantie à temps plein).
Selon le critère souple – introduit pour permettre aux travailleurs à temps partiel de se constituer également un droit à une pension minimum – les années civiles au cours desquelles au moins 156 jours à temps plein (assimilés/effectivement travaillés) peuvent être justifiés sont également prises en compte (≈ la pension minimum garantie à temps partiel)..
Attention : les périodes régularisées, les périodes accordées comme conjoint divorcé et les années travaillées en tant que fonctionnaire statutaire ne sont pas prises en compte pour l'obtention de la condition de carrière. En revanche, les périodes comme indépendant à titre principal sont comptabilisées.
Le montant
Le montant de la pension minimum garantie diffère selon que la personne ait droit à une pension de retraite ou de survie et en fonction de sa situation familiale (personne isolée ou en couple).
Tableau 1 : La pension minimum garantie en cas de carrière complète, montants mai 2022.[2]
Carrière professionnelle complète (= 45/45) |
|
---|---|
Pension de retraite d’isolé |
1.502,78 EUR |
Pension de retraite du ménage |
1.877,89 EUR |
Pension de survie/ allocation de transition |
1.482,70 EUR |
Les montants mentionnés ci-dessus ne sont bien entendu accordés que pour une carrière complète (=45/45). En cas de carrière incomplète, le montant de la pension minimum garantie doit être calculé au prorata.
Pour la pension minimum garantie à temps plein, ce calcul au prorata se fait sur la base de la fracture de carrière. Le numérateur est cependant limité au nombre d'années civiles qui comportent chacune au minimum 52 jours équivalents temps plein (jours effectivement prestés/assimilés) et il ne peut excéder le dénominateur.[3]
Exemple : la carrière du salarié compte 35 années à temps plein et 4 années d’occupation minime (30 jours par an). Il remplit les conditions selon le critère sévère. Sa pension minimum garantie sera toutefois limitée à 1.168,83 euros (1.502,78 x (35/45).
Pour la pension minimum garantie à temps partiel, le calcul au prorata se fait aussi sur la base de la fracture de carrière, mais tous les jours prestés ou assimilés sont pris en compte pour le calcul de la fracture.[4]
Exemple : la carrière du salarié compte 10 années à temps plein, 5 années à temps partiel à 4/5 et 20 années à mi-temps. Il ne remplit pas les conditions de la pension minimum garantie à temps plein, mais bien celles de la pension minimum garantie à temps partiel. Sa pension minimum garantie sera limitée à 801,48 euros (1.502,78 x (7.488/14.040).
Accord du gouvernement
Maintenant que tout le monde sait ce qu’est une pension minimum, quelles sont les conditions d’accès à la pension minimum et comment le montant de la pension minimum est calculé, nous pouvons passer à une brève discussion de l’accord du gouvernement. Comme certaines parties de l’accord ne sont pas encore très claires, seuls les grands principes seront expliqués ci-dessous.
Concrètement, l’accord se compose de deux parties : d’une part, une condition supplémentaire de travail effectif est proposée pour ouvrir le droit à la pension minimum et d’autre part, une modification du calcul du montant de la pension est prévue pour le critère souple.
La condition d’octroi supplémentaire
Outre les conditions d’octroi expliquées dans le point ci-dessus, un travailleur devra aussi prouver un nombre minimum de jours effectivement travaillés pour pouvoir prétendre à la pension minimum.
Pour pouvoir prétendre à une pension minimum garantie à temps plein, toute personne âgée de 53 ans ou moins le 1er janvier 2024 devra pouvoir prouver 20 x 250 = 5.000 jours de travail effectif à temps plein. Il s’agit de 20 x 156 = 3.120 jours de travail effectif à temps plein pour pouvoir prétendre à une pension minimum garantie à temps partiel. Une mesure de transition est prévue pour les catégories d’âge plus élevées et une dispense est prévue pour les personnes qui entreraient en ligne de compte pour une pension minimum le 1er janvier 2024 sur la base des conditions d’accès mentionnées dans le point ci-dessus.
Compte tenu du fait qu’une carrière complète à temps plein de 45 ans se compose de 45 x 312 = 14.040 jours à temps plein, on doit avoir travaillé un peu plus de 16 ans à temps plein dans le cadre du critère strict. Quelqu’un qui peut faire usage du critère souple doit avoir travaillé à temps plein pendant 10 ans ou avoir travaillé à mi-temps pendant 20 ans.
Heureusement, le gouvernement s’est déjà rendu compte qu’un certain nombre de situations nécessitent une dérogation à « la règle ». Par conséquent, les périodes assimilées reprises ci-dessous restent assimilées à des périodes de travail effectif :
- congé de maternité ;
- congé d’allaitement ;
- congé pour soins palliatifs ;
- périodes d’inactivité pour cause de handicap, reconnu par la DG Personnes handicapées.
En plus, le gouvernement a prévu qu’une réduction du nombre de jours de travail effectif peut être octroyée pour les périodes pour lesquelles un travailleur a perçu une indemnité de l’INAMI[5], de la DG Personnes handicapées[6] ou de Fedris[7] si la période a duré au moins 5 ans. En d’autres termes, de telles périodes peuvent entraîner un assouplissement de la condition supplémentaire de travail effectif.
Modification de la détermination du montant de la pension minimum garantie à temps partiel
Bien que l’accord de gouvernement ne prévît pas que le mode de calcul pour déterminer le montant de la pension minimum devait être modifié, le gouvernement est quand même parvenu à un accord sur une modification.
La modification profitera aux travailleurs à temps partiel. Elle a principalement pour but de valoriser les travailleurs qui ont commencé à travailler à temps partiel pour permettre la conciliation de la vie professionnelle et privée avant l’existence du crédit-temps.
Concrètement, il est proposé de modifier la formule pour le critère souple afin qu’un emploi à 4/5 temps pendant au maximum 5 ans (dont les années doivent se situer en 2001 ou avant) soit considéré comme un emploi à temps plein pour le calcul de la pension minimum. Un exemple peut clarifier cela.
Exemple : Supposons qu’un salarié a travaillé à mi-temps pendant 5 ans. Nous avons déjà mentionné dans la note que quelqu’un qui travaille à mi-temps pourra prouver 312 / 2 = 156 jours. Le travailleur concerné pourra donc prouver 156 x 5 = 780 jours au total. L’accord de gouvernement fait en sorte que ces jours sont, en quelque sorte, augmentés parce qu’un emploi à temps plein se compose de 312 x (4/5) = 250 jours pendant 5 ans. Au lieu de 780 jours, l’intéressé pourra donc prouver 780 x (312/250) = 973 jours pour le calcul du montant de la pension.
(Ré)introduction du bonus de pension
Pour rappel : la proposition de la ministre Lalieux était la suivante : la réintroduction d’un bonus de pension d’un montant de 2 euros par jour de travail effectif après la première date possible de départ à la retraite (avec un maximum de 60 jours civils assimilés par année civile). Le nombre d’années pour lequel un bonus de pension pourrait être constitué est limité à 3 ans au maximum.
Le bonus de pension sur lequel le gouvernement a conclu un accord pourra être constitué pendant au maximum 3 ans à partir du moment où les conditions de la pension anticipée[8] sont remplies ou à partir du moment où l’âge légal de la pension[9] est atteint (avec un maximum de 30 jours civils assimilés[10] par année civile). Le bonus de pension serait uniquement octroyé à ceux qui travaillent effectivement le premier jour où ils commencent à constituer le bonus de pension. Le montant du bonus de pension n’est pas encore connu.
[1] Art. 5, §1 AR du 23 décembre 1996.
[2] SERVICE FÉDÉRAL DES PENSIONS, Pension minimum garantie, https://www.sfpd.fgov.be/fr/montant-de-la-pension/calcul/minimum-garanti-de-pension.
[3] Art. 8, 2e alinéa AR du 28 septembre 2006.
[4] Art. 8, 1er alinéa AR du 28 septembre 2006.
[5] P. ex. une indemnité d’incapacité de travail.
[6] P. ex. une allocation de remplacement de revenus.
[7] P. ex. une indemnité d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
[8] À partir de 60 ans et 44 ans de carrière.
À partir de 61 ans et 43 ans de carrière.
À partir de 62 ans et 43 ans de carrière.
À partir de 63 ans et 42 ans de carrière.
[9] Jusqu’au 1er janvier 2025 inclus : 65 ans
À partir du 1er février 2025 jusqu’au 1er janvier 2030 inclus : 66 ans
À partir du 1er février 2030 : 67 ans.
[10] Le crédit-temps et l’interruption de carrière sont exclus.