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Il est temps d'agir sans paralyser !

03/04/2025 - 11h

La CGSLB met une pression supplémentaire à la table des négociations pour maintenir le pouvoir d’achat, des emplois soutenables et des pensions équitables en priorité à l’agenda. Par le biais d’une concertation moderne, d’une pression ciblée et d’une forte mobilisation, nous visons un véritable progrès. Ne pas bloquer, mais construire. Voilà notre vision d’un syndicat 2.0.
 

Entretien avec deux hommes qui savent de quoi ils parlent : Gert Truyens, Président de la CGSLB, et Patrick Roijens, Président du SLFP, le syndicat libre de la fonction publique.
 

Que signifie concrètement le slogan de la CGSLB « Boostez votre avenir » ?

Gert Truyens : Je constate qu’aujourd’hui, il y a beaucoup d’aigreur et de négativisme. Nous sommes tous conscients que des réformes sont nécessaires. Mais chaque mesure est critiquée de toutes parts. Sommes-nous d’accord avec tout ? Non, bien sûr que non ! Mais nous ne voulons pas seulement être « contre ». C’est pourquoi nous avons lancé une campagne avec dix points concrets qui sont importants pour nous. C’est ça, un syndicalisme constructif.
 

Que signifie « agir sans paralyser » ?

Gert (résolument) : Paralyser le pays ? Nous n’y sommes pas favorables. Les grèves politiques n’aident personne à avancer. Nous voulons jouer pleinement notre rôle à la table des négociations. La sécurité de l’emploi est au moins aussi importante que le pouvoir d’achat. Pourquoi les travailleurs devraient-ils arrêter de travailler maintenant et affecter encore plus une industrie déjà en crise ? Trouvons des solutions ensemble, organisations patronales et syndicales, au lieu de bloquer.

Patrick Roijens (hoche la tête en signe d’approbation) : Au SLFP aussi, nous misons sur la concertation. Notre slogan est : « Priorité à une concertation sociale correcte ». Cela signifie que la grève est un dernier recours, pas un premier réflexe. Mais nous insistons sur une « concertation correcte ». Cela signifie qu’il doit y avoir suffisamment d’espace pour négocier réellement. Parfois, nous constatons que le cadre dans lequel nous pouvons négocier est présenté de manière plutôt restreinte.

Gert : Exactement ! L’accord de gouvernement fait 44 fois référence à la concertation sociale... mais est-elle vraiment prise au sérieux ? C’est maintenant au gouvernement de montrer qu’il le fait. « Les actes valent mieux que les paroles. »
D’ailleurs, en écoutant autour de moi, je remarque que la majorité silencieuse est plutôt positive quant à notre manière de corriger certaines choses ou d’apporter des solutions par la concertation. Cela trouve un écho favorable. Cela ne signifie pas que nous prenons nos distances avec les autres organisations – pour être clair, il n’y a pas de rupture dans le front commun syndical – nous voulons simplement suivre une autre voie.

Patrick : On l’oublie souvent, cette grande majorité silencieuse.

Gert (enthousiaste) : Ah voilà !

Patrick : Elle n’est pas d’accord avec tout dans l’accord de gouvernement, mais elle dit : « Ok, il faut avancer et penser à la génération suivante. » Cette majorité silencieuse ne doit pas être perdue de vue, car elle pourrait bien se mobiliser si les choses allaient dans l’autre sens.

Gert : C’est pourquoi nous voulons les mobiliser de manière constructive.
 

Qu’est-ce qui nous distingue, en tant que syndicat ?

Patrick : Nous proposons des solutions positives au lieu d’attendre. Pensez plutôt aux plans de mobilité ou à l’augmentation des chèques-repas, un dossier sur lequel la CGSLB s’est beaucoup investie. Nous faisons de même.

Gert : Exactement ! Nous devons être proactifs et penser sur le long terme. Les grands défis ne se limitent pas à la Belgique. Quelles grandes réformes nous attendent et quelles propositions pouvons-nous faire ? Nous en avons formulé une dizaine dont nous voulons discuter dans les années à venir. Aujourd’hui, beaucoup s’inquiètent aussi du contexte géopolitique, des conflits en cours et des pertes massives d’emplois dans l’industrie. Mais il ne sert à rien d’agir sans proposer de solutions.
 

N’avons-nous pas un impact limité sur le plan géopolitique ?

Gert : Le contexte géopolitique est ce qu’il est. Mais nous pouvons chercher des solutions ensemble, ici en Belgique. Le maîtremot ici, c’est « ensemble », car la polarisation ne fait avancer personne. Le gouvernement et les médias opposent des groupes : le privé contre le public, un syndicat contre un autre. Mais nous sommes une seule société, où tout ne va pas si mal. Trouvons des solutions pour l’ensemble.

Patrick : Certainement, la polarisation joue un rôle majeur. Regardez l’effondrement du service public. Il vaut mieux le rappeler. Il est au service de la population, mais ce sont les décideurs politiques qui décident de le démanteler.
(fronce les sourcils) Prenons Hasselt, ma propre ville : je ne peux plus appeler le service de l’urbanisme, seulement envoyer un e-mail. Et si j’ai une question urgente ? Ou la police : pour porter plainte, il faut parfois attendre une semaine pour un obtenir un rendez-vous.
Un système de rendez-vous, c’est bien, mais il doit toujours y avoir une personne joignable.
La population attend un service de qualité, mais si le gouvernement continue à insister sur le « moins, moins, moins », alors on aura aussi moins de services. Et qui en subit les critiques ? Pas les politiques qui ont pris ces décisions, mais les fonctionnaires.

Gert : Patrick soulève un bon point : nous devons changer notre regard. Nous avons surmonté une crise majeure, celle du Covid, grâce aux travailleurs et fonctionnaires qui se sont donnés à fond. Au lieu d’opposer les groupes, reconnaissons que nous apportons ensemble des solutions. Mais le gouvernement doit être prêt à les trouver. Pour l’instant, on épargne sur les cibles les plus faciles, alors que les politiques devraient aussi se remettre en question.
 

Que signifie être un syndicat plus petit dans un pays dominé par de grandes organisations ?

Patrick : Cette image n’est pas toujours exacte. Dans certains secteurs de la fonction publique, comme la police, la défense et l’enseignement, nous sommes justement un acteur majeur. À la police, nous sommes même le plus grand syndicat. Dans l’ensemble, nous pouvons paraître plus petits, mais cela ne signifie pas que nous n’avons pas de voix ou de vision. Nous défendons notre propre récit, nous ne nous contentons pas simplement de suivre le mouvement.

Gert : À l’échelle nationale, la CGSLB est le troisième plus grand syndicat. Mais dans un nombre croissant d’entreprises – et cela s’est encore confirmé lors des élections sociales – nous sommes la première ou la deuxième organisation. De plus, en concertation, ce n’est pas la taille qui compte, mais l’impact de vos propositions. Regardez l’augmentation des chèques-repas : c’est nous qui avons mis cette proposition sur la table, et elle figure maintenant dans l’accord de gouvernement. J’en suis fier !

Patrick : Tout repose sur des dossiers solides et une vision claire. Si vous soulevez un point auquel le gouvernement ne peut pas échapper, vous faites la différence. Et nous défendons l’ensemble du personnel de la fonction publique, pas seulement nos affiliés.

Gert : C’est ainsi que la CGSLB et le SLFP se démarquent. Pour nous, l’enjeu n’est pas le syndicat en tant qu’institution, mais bien les travailleurs, qu’ils soient du secteur privé ou public. Ce sont leurs problèmes que nous essayons de résoudre.
 

Que signifie l’indépendance politique de la CGSLB et du SLFP ?

Gert : Nous avons toujours été politiquement indépendants. Pourtant, on nous associe parfois aux partis libéraux comme l’Open VLD ou le MR, simplement en raison de notre nom et de notre couleur. Mais « libéral » dans notre nom fait référence au libéralisme social, pas à un parti politique. Nous pensons que les gens doivent pouvoir prendre leurs responsabilités, mais aussi que l’État doit corriger les inégalités lorsque c’est nécessaire.
Nous ne siégeons pas dans des bureaux de partis et nous avons autant de contacts avec d’autres formations politiques qu’avec les libéraux. Notre influence ne vient pas du soutien d’un parti unique, mais du fait que différentes fractions reprennent nos idées et reconnaissent leur valeur.

Patrick : Au SLFP, nous n’avons même pas le mot « libéral » dans notre nom, mais notre couleur bleue nous vaut quand même d’être associés à certains partis. C’est comme ça. En même temps, nous devons être réalistes : pour obtenir des résultats, il faut dialoguer avec le monde politique. On ne peut pas s’enfermer dans une bulle, il faut aller à la rencontre des décideurs et rendre notre organisation visible. C’est ce que nous faisons, à la CGSLB comme au SLFP, en recherchant activement le dialogue avec différentes forces politiques.

Gert : Et soyons clairs : ce que nous avons obtenu, ce n’est pas grâce à l’Open VLD ou au MR, mais parce que d’autres partis ont repris nos idées et ont reconnu qu’elles étaient pertinentes.
 

Comment voyez-vous l’avenir ?

Gert : Bleu ! (rires) Pas le bleu foncé de la politique, mais notre bleu. Malgré l’aigreur ambiante, il y a encore de l’espoir. Quand nous partageons notre vision avec les parties prenantes et les leaders d’opinion, on nous dit souvent : « Enfin ! Faites entendre cette voix, les gens ont besoin d’espoir ! » La Belgique n’est pas un pays en crise, mais nos structures doivent être simplifiées. Et cela ne peut se faire que par le dialogue. Mais pour cela, nous devons aussi moderniser la concertation sociale. Certains employeurs font encore des comptes d’apothicaire en concertation sociale : dès que nous demandons quelque chose, ils estiment devoir exiger une contrepartie. Il faut dépasser cette logique à court terme.

Patrick : Nous avons besoin les uns des autres, Arrêtons de dresser les travailleurs les uns contre les autres. Dans la fonction publique, nous demandons simplement du respect. Les services publics ne sont pas des entreprises et ne doivent pas être gérés comme tels. Les travailleurs doivent pouvoir être fiers de leur métier, sans être constamment dépeints comme « trop chers » ou « paresseux ». Tout le monde a besoin de services publics solides, mais si l’on continue à couper dans les budgets...

Gert : La CGSLB et le SLFP montrent qu’une autre approche est possible. Nous nous rapprochons, nous dialoguons davantage et nous nous écoutons mieux.

Patrick : Et nous apprenons les uns des autres. C’est comme ça que tout le monde y gagne !

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