Que pensent les syndicats du télétravail ? Nous avons interrogé le syndicat libéral CGSLB, qui applique lui-même un régime de télétravail occasionnel et structurel. L’introduction du télétravail requiert une adaptation du règlement de travail ou la conclusion d’une CCT d’entreprise. Quoi qu’il en soit, les représentants des travailleurs sont impliqués dans l’introduction et la concrétisation du télétravail, par le biais du conseil d’entreprise. Ce que pensent les délégués de la possibilité de travailler en partie de la maison ? C’est ce que nous avons demandé au président de la CGSLB, Mario Coppens.
Le télétravail a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pensez-vous qu’il connaît de nombreuses introductions en pratique ?
MARIO COPPENS : “Si nous considérons les 2 à 3 dernières années, je n’ai pas l’impression que le télétravail a fortement augmenté. Nos délégués dans les entreprises, non plus, ne font pas état d’une évolution spectaculaire. Bien sûr, la loi de Kris Peeters sur le travail faisable et maniable comporte aussi un volet sur le télétravail occasionnel. Certaines entreprises appliquaient déjà un tel système, mais elles se trouvaient dans une zone d’ombre en l’absence de cadre légal. C’était la porte ouverte aux discussions, notamment au cas où le travailleur était victime d’un accident du travail chez lui. Dans ce sens, je pense que la loi pourrait amener une hausse du télétravail occasionnel.”
Quelle est la position de la CGSLB à l’égard du télétravail ?
MARIO COPPENS : “Le gouvernement a introduit le télétravail occasionnel dans la législation, mais le télétravail structurel existait déjà depuis la CCT n° 85 du CNT (la convention collective de travail relative au télétravail du 9 novembre 2005, modifiée en 2008 par la CCT n° 85bis – NDLR). Si nous n’avions pas été convaincus de l’effet favorable, nous n’aurions pas soussigné la CCT.”
Quels sont les avantages, selon vous, du télétravail structurel ou occasionnel ?
MARIO COPPENS : “Je songe à la mobilité : c’est un moyen idéal de décongestionner les routes. Mais le télétravail peut aussi améliorer l’équilibre entre vie privée et professionnelle. Je suis aussi convaincu que cette formule améliore la productivité des travailleurs pour certaines tâches. Cela fait quelques années qu’à la CGSLB nous avons introduit le télétravail tant structurel qu’occasionnel. Dans sa forme occasionnelle, le télétravail s’applique notamment lorsqu’un des collaborateurs doit analyser une loi-programme au moment de sa promulgation. Il se peut qu’il vaille mieux réaliser cette analyse à la maison. Dans l’organisation, nous avons aussi opté pour des bureaux paysagers, mais certaines personnes ont du mal à se concentrer dans ce contexte. Mais aussi dans les situations où le travailleur ne parvient pas à se rendre au travail en raison de circonstances atmosphériques extrêmes en hiver ou d’une grève des transports en commun, le télétravail occasionnel représente une solution idéale pour l’entreprise et pour le travailleur.”
Quel est le revers de la médaille ?
MARIO COPPENS : “Le télétravail présente pas mal d’avantages, certes, mais il n’empêche que nous devons rester vigilants aux inconvénients éventuels qu’il comporte. Je pense notamment à l’isolement du travailleur : tout le monde est convaincu de l’importance de l’esprit d’équipe et la plupart des entreprises organisent des teambuildings, mais permettre aux gens de travailler de la maison un ou deux jours par semaine limite les contacts mutuels. Reste à savoir si, par le télétravail structurel, on ne perd pas une certaine dynamique. Les travailleurs à domicile prestent plus d’heures que leurs collègues au travail. Il faut prendre garde à ce qu’ils n’en fassent pas trop pour justement ne pas donner l’impression d’en faire moins. Il faut éviter d’annuler les avantages du télétravail en créant une surcharge du fait que les travailleurs prestent trop.”
Souvent, les organisations établissent des règles en matière de disponibilité du télétravailleur. Qu’en est-il chez vous ?
MARIO COPPENS : “Il existe une différence entre télétravail structurel et occasionnel. S’il a opté pour la solution structurelle, le télétravailleur doit être joignable durant les heures normales de travail, au même titre qu’au bureau. En l’absence d’un tel règlement, on créerait des problèmes sur le lieu de travail. Les collègues qui ne veulent ou ne peuvent pas travailler à domicile ne peuvent faire les frais de la situation parce que tous les appels téléphoniques arrivent chez eux.
En cas de télétravail occasionnel, cette condition n’existe pas. Reprenons notre exemple du collègue qui travaille de la maison pour analyser une nouvelle législation : le but est qu’il ne soit pas dérangé sans arrêt par des coups de fil. Nous opérons cette distinction et je pense qu’il est important de le faire.”
Selon vous, à quoi faut-il prendre garde lors de l’introduction du télétravail structurel ou occasionnel ?
MARIO COPPENS : “Régulièrement, l’introduction du télétravail dans une entreprise génère des discussions lorsqu’il s’agit de déterminer les catégories de personnel qui peuvent y avoir recours et celles qui en sont exclues. Souvent, les travailleurs ressentent cela comme arbitraire. Cette décision devrait se faire après consultation des organes de concertation au sein de l’entreprise. Parfois, les entreprises ont tendance à exclure certaines fonctions sans réel fondement. Peut-être par méfiance : le travailleur à domicile travaille-t-il réellement? Mais si l’on peut en croire les experts, il n’y a pas d’abus dans l’ensemble, abstraction faite de quelques exceptions.
En tant qu’organisation syndicale, nous tenons à ce que tout se fasse conformément à la loi sur le bien-être au travail. Ainsi, au bureau, nous disposons d’un conceiller en prévention interne et externe qui fait le tour des locaux et évalue les postes de travail. Rien de cela à la maison. Il faut y accorder davantage d’attention. Le conseiller en prévention interne devrait également examiner si le poste de travail répond aux attentes en matière d’ergonomie, de manière à éviter que les gens ne souffrent de problèmes physiques ou médicaux parce que l’endroit où ils travaillent ne répond pas aux conditions. Je préfère alors que certaines personnes soient exclues plutôt que de travailler dans un environnement propre à créer des problèmes de santé. Ensuite, il faut veiller à ce que l’employeur rembourse les frais liés au télétravail. Souvent, le raisonnement suivi part du principe que le travailleur ne doit pas se rendre au travail et qu’il n’a donc plus de frais de déplacement. C’est vrai pour certains, mais pas pour ceux qui bénéficient du remboursement de leur abonnement aux transports en commun, comme c’est le cas des travailleurs qui ont recours au système du tiers payant.”
Le travail à domicile et le télétravail cadrent dans l’évolution qui accorde une autonomie croissante au travailleur individuel. Est-ce aussi votre impression ?
MARIO COPPENS : “Oui, bien sûr. Le télétravail crée des ouvertures. Les entités qui organisent le télétravail et en font la promotion accordent généralement moins d’importance à la question de savoir si un travailleur preste ou non ses heures de tel à tel moment, l’essentiel étant que le travail est fait. Souvent, les prestations sont de meilleure qualité lorsque le travailleur détermine lui-même quand il les effectue. Une fois de plus, je tiens à remarquer que cela n’est possible que pour autant que les travailleurs occupent une fonction dans laquelle ils n’ont que peu de contacts ou des contacts moins fréquents. Les affiliés nous appellent entre neuf et dix-sept heures. Dans ces conditions, on peut difficilement dire qu’on travaille le mieux entre dix-neuf et vingt-deux heures... Je suis convaincu que tant les travailleurs que les entreprises sont favorables à une plus grande autonomie, mais là aussi, ce n’est pas possible pour tout le monde.”
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L’article de Thimothy Vermeir est paru dans HR Square de mai 2017.